dimanche 28 février 2010

Les quatre saisons

Comme Flores est une ville bien trop touristique, et que nous voulons avancer pour nous rendre au Mexique, nous ne prenons qu'un jour de repos apres notre trek, avant de partir a Semuc Champey, un site naturel repute, dont nous avions entendu parler des Panama City. L'agence de l'hotel nous propose un bus direct pour 115 quetzales, 7h de trajet. On est sur de faire mieux en partant a la gare routiere. Ca commence mal, un vieux guatemalteque mal leche nous fait poireauter 10 minutes avant de proposer le trajet a 170 quetzales. Je lui demande si c'est une blague, il ne baissera pas le prix. On prend donc un minibus pour Sayaxche : s'il n'y a pas de direct, on va faire des sauts de puce. A l'arrivee, un bac pour rejoindre l'autre rive. Nous sommes ravis d'y croiser Andrew et Suzy, qui se rendent eux aussi a Semuc Champey, avec le bus de l'hotel, pour 120 quetzales au lieu de 115 : ils ne parlent pas espagnol ! Arrives a Candelaria, nous voulons prendre au Sud-Est, plutot qu'au Sud pour Coban, d'ou il nous faudrait reprendre au Nord-Est pour arriver a destination. Comme il n'y a pas de bus sur ce raccourci, on tente lestop. Tropcool, on est pris par un pick-up familial. Le pere reve d'aller en Europe pour y gagner encoreplus qu'aux US. La piste est splendide a flanc de colline. On se croirait dans la baie d'Hanoi, la mer en moins. Au final : 9h de trajet our 87 quetzales, mais quand meme 5 bus, 2 voitures et un bac. Quelle journee !

Le lendemain, nous partons de l'hotel a pied pour le site de Semuc Champey. Nous montons tout d'abord au mirador, bien 150m au dessus de la vallee. A 8h le matin, il fait frais, mais l'air est sature d'humidite, si bien que nous transpirons a grosses gouttes. Mais la vue en vaut la chandelle : six grandes retenues d'eauforment une succession de piscines turquoises au coeur de la vallee verte. Nous observons pendant pres d'une heure le soleil eclairer petit a petit tout le site. A la descente, nous arrivons a l'amont des bains : un affluent souterrain sort par d'inombrables petits ruisseaux de sous la montagne, pour rejoindre un torrent qui aussitot se jette dessous la montagne, pour passer sous les piscines turquoises et ressortir 300m plus loin d'une grotte gigantesque, sur le toit de laquelle nous allons passer la journee a nous baigner. Dire que l'eau est la plus claire que nous ayons vue est une litote : nous croyons souvent avoir pied alors qu'il y a plusde 3m de fond. On admire les poissons arc-en-ciel,on se fait masser par les cascades. Le gardien nous montre meme que l'eau est potable, mais on reste un peu sceptiques quand meme ! Une vraie belle journee d'ete comme on les aime : au bord de la riviere !

Le lendemain, nous quittons Coban pour le Mexique. Un premier minibus pour Uspatan : il fait brouillard et il pleut, comme un matin d'hiver, nous avec nos polaires, les locaux dans leurs doudounes. Les vitres teintees filtrent une lumiere deja trop rare. Dans la montagne, les arbres denudes nous montrent un paysage de novembre. Dans le deuxieme minibus, nous sommes tasses comme des sardines en boites. Magali, arrivee un peu tard pour cause de pause pipi, n'a meme pas de dossier, et l'aide du chauffeur (le type qui percoit les sous) est a moitie assis sur elle. L'arrivee a Sacapulas est un soulagement : nous prenons le temps de dejeuner a cote du stade de foot. Une bonne viande grillee, une pile de tortilla haute comme la tour Eiffel, un jus de fruit inconnu delicieux, puis l'ambiance bonne enfant a attendre le bus pour Huehuetenango en regardant le match. A l'avant du minibus, fenetres ouvertes, l'air est pur et la chaleur douce : comme un vrai matin de mai. Dans la vallee qui mene de Huehuetenango a La Mesilla, frontiere mexicaine, la secheresse a jauni les feuilles des arbres : c'est l'automne ! Le passage de la frontiere est une formalite. Nous comprenons que quelque chose a change quand le chauffeur du bus nous indique un guichet pour prendre le billet, sur lequel le prix du trajet est indique ! Nous arrivons de nuit a Comitan, ou nous dormons dans un hotel minable, avant de nous rendre a San Cristobal le lendemain 14 fevrier.
C'est notre premiere Saint Valentin ensemble, et quel bonheur : on mange des crepes ! Il fait beau et chaud juste comme il faut. La ville est magnifique : murs de couleurs, nombreuses eglises, de belles places ombragees... Les gens possedent meme des voitures particulieres; sacre contraste apres le Guatemala ! On se trouve un bel hotel confortable, et on passe trois jours a dormir, manger, mettre a jour le blog (oui, j'eris ca trois semaines apres sans sourciller), nous promener, faire la sieste... On visite le cimetiere par un matin ensoleille, fort printanier : les tombes sont des mausoles, la plupart peintes en couleurs vives. Un lieu splendide et ombrage, ou les vivants jouent de la musique pour les morts. Le dernier soir, nous prenons un peu froid, et c'est Magali fievreuse et moi avec mal a la gorge, qui partons en bus pour la station balneaire de Huatulco.
Mon amie Ana nous avait conseille plusieurs autres villages, mais celui ci etait plus proche, et mentionne parc naturel. Une journee au lit pour guerir notre rhume, puis direction la plage. C'est la qu'on realise que notre choix etait pourri : hotels monstrueux sur les collines, restaurants sur toute l'unique plage facilement accessible a pieds. On s'enfuit par la route a une plage suivante, et on decouvre une deux fois deux voies en construction a travers les collines boisees. Une heure et demi de marche en plein cagnard, c'est l'ete de nouveau, mais l'hiver en meme temps, car il n'y a pas de feuilles aux arbres ! et nous trouvons enfin une plage. Au moins, elle est magique : deux touristes seulement quand nous arrivons. Une petite crique qui nous protege des grande vagues du Pacifique. Et puis avec nos masques et tubas, on snorkle comme des gosses : petit poissons bleu profond a pois bleu electrique, gros poissons en boule violet a pois blancs, de grands plats gris aux nageoires comme des ailes, tres vifs, de petits poissons violets dessus, jaune dessous... Un regal ! Encore un bon parfum d'ete, pour terminer notre ping-pong entre le Pacifique et l'Atlantique !

mardi 16 février 2010

Budget en Amerique Centrale

Voila le bilan budgetaire de notre trajet en Amerique Centrale. On est arrives a Panama le 4 janvier, on a quitte le Guatemala pour le Mexique le 13 fevrier 2010. L'atmosphere est en generale beaucoup plus detendue qu'en Amerique du Sud, mais c'est aussi un peu plus cher. On rappelle qu'on voyage a deux, voici les details :

- Hotel Miami 18-18 a Panama (chambre privee, salle de bain privee, prix de lancement car ils ont pas fini de renover) : 16.50 $ par nuit.
- Visite a l'ecluse de Miraflores : 5 $ l'acces par personne.
- Bus dans la ville de Panama : 25 cents par trajet par personne.
- Les repas coutent entre 2 et 4 $ par personne.
- Bus de Panama a David (8h, climatise, musique super sympa) : 2 x 12.50 $.
- Minibus de David a Almirante (4h) : 2 x 7.50 $.
- Bateau de Almirante a Bocas del Toro (1/2 h) : 2 x 4 $.
- Hotel Dos Gringos Locos a Almirante (chambre privee, salle de bain privee, le tuyau d'arrosage du jardin servira de douche, Kevin et CD sont vraiment deux gringos fous) : 12 $ par nuit.
- Hotel a Bocas (chambre privee, salle de bain privee, ventilateur, cafards) : 15 $ par nuit.
- Tour en bateau a la journee (dauphins, snorkle, plage) : 2 x 15 $.
- Bus de David a Boquete (bien tasses avec les sacs sur les genoux) : 2 x 1.45 $.
- Hotel Baru a Boquete (chambre privee, salle de bain privee, periode de feria) : 20 $ par nuit.
- Minibus de David a Paseo Canoas, frontiere costaricaine : 2 x 1.70 $.
- La monnaie officielle du Panama est le Balboa panameen, dont le taux de change est fixe vis-a-vis du dollar : 1 balboa =1 dollar us. Les billets circulant sont des billets de dollar americain. Pour les pieces, il y a les pieces americaines, et aussi des pieces panameennes, memes tailles, meme valeurs, qui circulent.
- Notre budget total pour 10 jours : 500 balboas = 500 $us.
- Bus de la frontiere a Neilly (attention, les taxis affirment qu'il n'y a pas de bus pour faire payer dix fois le prix) : 2 x 600 colones.
- Bus de Neilly a Dominical (4h de trajet, c'est un veritable bus, pas un car) : 2 x 1800 colones.
- Camping Antorchas a Dominical (tatami dans une tente, sale salle de bain partagee) : 2 x 8 $us.
- Location d'un petit 4x4 Suzuki (sans assurance autre que responsabilite civile, et oui, le bidochon...) : 40 $us par jour. Honnetement, mieux vaut prendre le bus : le reseau est complet et tellement bon marche !
- Ferry de Puntarenas a Playa Naranjo : 12 $us pour la voiture avec chauffeur, plus 3 $us par passagers.
- Pension Arenas a Montezuma (chambre privee, sale salle de bain partagee, pourri, personnel limite malpoli) : 10 $us par nuit par personne.
- Hotel Mochilla Inn a Montezuma, une cabine pour 4 personnes (chambre privee, salle de bain privee a l'exterieur, balcon donnant sur la foret, mais attention aux singes voleurs !) : 35 $us par nuit.
- Pension Santa Elena a Monteverde (chambre privee, salle de bain partagee, plein de gringos) : 16 $us la nuit pour deux personnes.
- Cabinas Jireh a Nuevo Arenal (deux chambres privees, salle de bain, cuisine, tres joli) : 5000 colones par personne par nuit (devraient etre 10 $us mais on a pu negocier).
- Entree au parc du volcan Arenal : 10 $us par personne pour 2h de balade grand maximum.
- Hotel Maruecos a San Jose (chambre privee, salle de bain partagee, passes) : 22 $us par nuit.
- Pension Posada de don Tobias a San Jose (chambre privee, salle de bain privee, balcon, petit dejeuner) : 15 $us negocies.
- Sere a papillons Spyrogiras (splendide) : 2 x 3500 colones.
- Bus de San Jose a l'aeroport : 2 x 500 colones.
- Taux de change : 1 $us = 560 colones, 1 euro = 820 colones.
- Depenses totales en 10 jours a deux : 300 000 colones = 600$us environ.
- Taxi de l'aeroport a la zone 1 de Guatemala Cuidad (Guate) : 80 quetzales.
- Hotel Hernani a Guate (chambre privee, salle de bain privee, vieillo, sympa) : 100 quetzales par nuit.
- Bus en ville a Guate : 1 quetzale par trajet par personne.
- Repas complet entre 15 et 25 quetzales a Guate.
- Bus de Guate a Puerto Barrios (5h) : 2 x 60 quetzales.
- Hotel miteux a Puerto Barrios (chambre privee, sale salle de bain partagee, moustiques) : 50 quetzales par nuit.
- Bateau de Puerto Barrios a Punta Gorda (Belize, 1h de trajet) : 2 x 200 quetzales.
- Taxe de sortie du Guatemala en bateau : 2 x 80 quetzales.
-Repas au Belize entre 8 et 10 $belizeens (bz) par personne.
- Bus de Punta Gorda a Placencia : 2 x 7 bz.
- Chambre chez Lydia's Guesthouse (chambre privee, le bonheur, salle de bain partagee nickel !, le bonheur, cuisine, le bonheur, terrasse, le bonheur, vue sur la mer, le bonheur, hamac, ah oui, et trop de bonheur !) : 50 bz par nuit.
- Journee de snorkle a Laughing Bird's Caye, le recif de l'oiseau rieur (sur place de 10h a 14h, repas et materiel inclus) : 55 bz par personne.
- Trois bus successifs et un taxi pour aller de Placencia a la frontiere guatemalteque en passant par Belmopan : 2 x 30 bz.
- Taxe de sortie du Belize : 37.50 bz par personne.
- Taux de change : 2 bz = 1 $us, parite fixe, drole de voir la tete d'Elisabeth II sur des billets indexes sur le dollar americain !
- Depenses totales a deux en 5 jours au Belize (dont beaucoup de farniente) : 800 bz = 400$ us.
- Deux bus successifs de la frontiere a Tikal : 2 x 45 quetzales.
- Camping a Tikal (grand champs, douche froide sale sans lumiere, chaleur etouffante) : 30 quetzales par personne.
- Repas dans les zones touristiques au Guatemala de 30 a 50 quetzales par personne.
- Entree au parc de Tikal : 150 quetzales par personne.
- Bus de Tikal a Flores : 2 x 25 quetzales (le guide disait 2 x 50 quetzales pour faire son beurre, negociations tres difficiles).
- Hotel Mirador del Lago a Flores (chambre privee avec deux lits une place, slle de bain privee) : 80 quetzales par nuit.
- Tour de 5 jours a El Mirador : 135 $us par personne (car nous sommes un groupe de 6, pour deux, ils demandent entre 170 et 200 $us par personne). Verifier que le guide a une pharmacie !!!
- Trajet de Flores a Semuc Champey, en 5 bus et un pick-up qui nous prend en stop : 2 x 87 quetzales (l'hotel proposait un direct a 2 x 115 quetzales, pas forcement une mauvaise affaire !)
- Hotel Zapote a Semuc Champey (chambre privee minimaliste, salle de bain partagee) : 50 quetzales par nuit.
- Entree au parc de Semuc Champey : 50 quetzales par personne.
- Minibus de Semuc Champey a Coban : 2 x 40 quetzales, devraient etre 2 x 30 quetzales.
- Hotel Casa Luna a Coban (chambre privee, salle de bain partage entre 20 personnes, mais avec la meilleure douche d'Amerique latine, plein de gringos) : 80 quetzales par nuit.
Trajet de Coban a La Mesilla, frontiere mexicaine, via Cunen et Huehuetenango en 4 bus inconfortables au possible : 2 x 85 quetzales.
- Taux de change : 1 euro = 11 quetzales, 1 $us = 8.20 quetzales.
- Depenses totales a deux en 15 jours : 7200 quetzales = 650 euros.

Authentiques blagues guatémaltèques

Les blagues du blog reviennent, classiques et gentillettes cette fois ! Durant le trajet de bus entre Semuc Champey et Coban, j'ai eu la chance d'être assise à côté de deux blagueurs intarrissables. Beaucoup de leurs histoires me sont restées obscures, faute de vocabulaire, mais j'en ai compris trois qui m'ont fait bien rire. Les voila !

C'est l'histoire d'un homme qui veut acheter une mule. Il va voir le marchand de bestiaux, qui a deux mules à vendre. La beige coûte 1000 quetzales, la noire 500 000. "Dis-moi, pourquoi la mule noire coûte-t-elle si cher ?" demande l'homme au marchand. "Parce que figure-toi qu'elle sait lire !" rétorque le marchand, très fier. L'homme hésite, hésite, et finit par céder à la curiosité : il achète la mule noire. Une semaine plus tard, il revient voir le marchand. Il est furieux. "J'ai payé 500 000 quetzales pour une mule qui sait lire, et voilà 7 jours que, matin et soir, je lui mets un journal sous le nez, et rien ! Il ne se passe rien !" Le marchand se frappe le front : "Ah, toutes mes excuses ! Je t'ai dit que cette mule savait lire, mais j'ai oublié de te dire qu'elle ne savait pas parler !"

Et maintenant, deux devinettes, guatémaltèques toujours.

1. Qu'est-ce que c'est, un point jaune sur la montagne ?

2. Que fait un épi de maïs dans le désert ?

Réponses après la photo !
Réponses
1. C'est un poussin guérilléro (à noter que le Guatemala n'est sorti de sa guerre civile que depuis une quinzaine d'années).

2. Il danse le pop-corn ! (à noter que le maïs est un élément incontournable de l'alimentation en Amérique central, notamment pour la confection des tortillas, ces galettes qui, servies en piles chaudes enveloppées d'un linge, remplacent avantageusement le pain).

Il faut sauver le soldat Matthew

Nous sommes donc au soir de la quatrieme journee du trek. Nous avons mis huit heures pour revenir de El Mirador, nous voila a Tintal. Nous sommes tous ravis d'enlever nos chaussures, d'enfiler nos sandales. Matthew est couche par terre, son sac comme oreiller; il mange un fruit trouve au sol. Milana est assise, occupee a enlever les pelures de chaussette de ses pieds. Andrew est couche, un bidon pour rehausser les mollets et faire circuler le sang. Magali aussi est allongee, les pieds sur un tronc d'arbre. Nino l'arriero decharge les mules. Angel, notre guide, allume le feu et commence a preparer le plat de spaghettis que nous attendons tous. Suzy plante sa tente. Moi, j'ai deja plante la notre, et je me vautre dans le hamac avec delectation. C'est la que nous entendons un grand cri.

Le guide s'alerte et nous allons voir tous les deux. A 50m sur le chemin, nous trouvons Matthew en short et tongues, sans T-shirt, couche a plat ventre sur le sol. C'est son ventre, il s'en plaignait il y a dix minutes. Je retourne a la tente en courant pour chercher des Spasfons et des antidiarheiques. Le guide et Nino qui nous a rejoint trouvent des feuilles de "pimienta", une plante locale qui anesthesie (?) et ralentit les poisons (a macher aussi en cas de morsure par un serpent). Matthew ne peut pas se lever, il hurle de plus belle, son ventre le torture de douleur.

- Matthew, tu dois te relever pour avaler cette pilule. - Je peux pas. - Si tu dois ! - Un peu plus tard, je peux pas me lever Aaahh ! Fuck, fuck !!! - D'accord, pas de probleme, tu la prendras quand tu voudras. Respire, respire calmement. Tu dois penser a ta respiration. Sens comme c'est bon de souffler. Quand tu te sens pret, tu prends la pilule. C'est quand tu decides. Une nouvelle crise le tord de douleur. Il crie. - N'hesite pas a crier, ca fait du bien. Eh Matthew, tu m'entends. C'est bien. Pense a respirer, tranquillement. Sens comme ton souffle est bon. Eh Matthew, tu m'entends ? Tu m'entends ?! Si tu m'entends bouge ton pouce. C'est bien. Tu m'entends, tu m'entends ?!! Merde, il reagit plus. Heureusement, il respire. Je reste a ses cotes, toujours a lui parler. Par moments, ses a-coups de menton me rassurent.

Notre guide, qui a fume de la marijuana toute la journee, est franchement panique. A 22 ans a peine, c'est son premier accident, et il n'a pas meme de pharmacie. Heureusement, nous sommes arrives au campement de Tintal, dont les deux gardes fabriquent un lit de transport, constitue d'un hamac suspendu a un tronc d'arbre. Nino part en mule chercher une voiture a Carmelita, a 6h de marche de la. Nous allons transporter Matthew a froce d'homme sur un trajet de 2h de marche, jusqu'au point accessible en pick-up. Nous aprvenons a faire avaler un Spasfon a Matthew, puis a le rouler dans le hamac. Il est revenu a lui, dit qu'il va marcher. Il en est incapable, mais qu'il le dise est rassurant.

Commence un trajet long et epuisant. Matthew est un bon gaillard de 1m90, disons 85kg, a quoi il faut ajouter le poids du tronc auquel pend le hamac. Tronc sur l'epaule, un homme devant, un homme derriere. Malgre les serviettes et tissus utilises pour amortir, le tonc meurtrit l'epaule. Aussi le hamac balance, enlevant de la stabilite. Nous sommes cinq au debut : le guide, Andrew, Steve, Marc et moi. Milana, qui nous accompagne, porte un des sac-a-dos. Les relais sont courts, eprouvants. Apres vingt minutes, nous sommes rejoins par les deux gardes du camp. Ils prennent un relais hallucinant, "infini" dira Matthew le lendemain. Les canadiens et moi sommes bluffes par la force de ces guatemalteques : 1m65 avec les semelles, mais quelle resistance ! Angel m'expliquera qu'a 8 ans, il sportent les bidons d'eau dans la foret !

Matthew va de mieux en mieux, ce qui rassure tout le monde. On se marre lors de son arret pipi, ou il nous fait tous tourner, mais ne parvient quand meme pas a uriner. Je lui demande s'il voit des singes dans les arbres; il me dit que non, mais que ce serait trop coll. Moi, alors que le crepuscule tombe et que je marche devant, j'apercois au detour du chemin comme un gros cochon d'Inde, petit esprit de la foret, qui s'enquiert de nos aventures. La nuit tombee n'arrange pas la marche, mais a la lumiere des lampes de poche, nous arrivons a la jonction. Matthew va chier derriere un arbre, avant de se recoucher, nettement soulage. Les gardes font du feu en attendant le pick-up des secours. Matthew et moi disutons de tout et de rien. Il me demande ma religion. Je dis que l'homme descend du singe, et raconte comment Nietzsche a tue Dieu. Nous rions.
Le pick-up arrive finalement. Nino nous apprendra que nous avons eu de la chance. Il y a eu un enterrement la veille, et comme de coutume, les voitures du village sont utilisees pour rendre visite a la famille du defunt. Restait ce pick-up rouge, et par chance, un bidon d'essence qui a permis de faire le plein ! Au cas ou il aille a l'hopital apres, et pour ne pas le laisser y alle seul, je pars avec Matthew, ainsi que le guide et Milana (qui ne le lache plus !). Les medecins, enfins les responsables du poste de secours, expliquent qu'il s'agit d'une colique, qu'il n'y a plus de probleme, mais que sur le coup, la douleur peut etre mortelle. Heureusement que Matthew est un sacre gaillard !
A Carmelita, apres un repas tant attendu chez la belle-soeur d'Angel, nous allons dormir chez sa soeur. Matthew dans un bon lit de camp, Angel et MIlana dans le jardin pour faire leurs affaires, puis dans le grand lit. Moi, dans le hamac. Avant de me coucher, je leve les yeux au ciel, et decouvre stupefait mon horoscope : au zenith se trouvent les Gemeaux (signe de Matthew, qui me fait forcement penser a mon frere Matthieu) et le Cancer (mon signe) au sein duquel trone Mars, le puissant dieu de la guerre...

Suzy et moi, nous nous retrouvons donc d'un seul coup completement seules, dans le camp deserte. Apres l'agitation et la panique, ce brusque silence nous fait bizarre. Nous commençons par ranger un peu les affaires eparpillees, puis preparons une sauce pour les spaghettis qui ont ete oublies dans leur eau de cuisson. Une fois la vaisselle faite, nous nous sentons un peu desoeuvrees. Suzy, qui est pleine de bon sens, fait remarquer que la meilleure attitude a avoir, c'est de s'occuper comme on le ferait habituellement. Alors elle va s'installer dans un hamac, tandis que je sors mon carnet pour ecrire. A la tombee de la nuit, nous nous mettons en quete de bois pour raviver le feu. Et c'est en le surveillant que nous discutons, c'est tres sympa, paisible.
N'empeche que le temps nous parait long, dans la nuit bruissante de bruits. Meme si, comme Susie l'a fait remarquer avec humour, les heros ont besoin de gens qui restent au camp de base, nous commençons a nous demander ou ils sont, les heros, et comment va Matthew. En cherchant quelque chose avec sa lampe de poche, Suzy surprend un scorpion de 10 cm de long en train de courir, a deux pas de nos sieges. On dedramatise en le prenant en photo, mais j'avoue que je n'en mene pas large. Peu de temps apres, enfin, un des gardes revient. Il nous dit que Mathhew, qui va mieux, est parti avec Angel, Milana et Jeremie en voiture, et que les autres sont en train derevenir. Rassurees, Suzy et moi partons nous coucher, chacune dans sa tente.

Reveil a 7h du matin, c'est enfin une belle grasse matinee ! Matin un peu glauque : Milana se fait prendre en photo avec le fusil de chasse de Angel, et lui nous montre un revolver, avec un chargeur plein de balles. Il y a seulement quinze ans que la guerre civile est terminee au Guatemala. Ensuite, baignade a la riviere : trop de bonheur apres 5 jours sans douceh. Matthew est en pleine forme : sa colique a ete aussi violente que subite. Ensuite, je pars a la rencontre de Magali et du reste de la troupe. Angel, pourtant guide en charge du groupe, reste a s'ebattre avec sa polonaise. Quand je les rejoins, trop heureux de retrouver ma petite Gali, tous sont soulages de savoir Matthew en forme. Nous arriverons vers 12h30, largement a temps pour l'unique bus de 13h, que nous manquerons pourtant car le guide est toujours a la riviere. Il n'aura l'idee d'appeller un minibus qui vient de Flores, a 3h de piste, que vers 14h. Baignade biere pour tuer le temps. Heureusement que l'ambiance du groupe est sympa, car nous n'arriverons a l'hotel qu'a 20h30, sous une pluie battante. Tout est bien qui finit bien donc, meme si on se demande presque a quoi bon avoir paye un guide !
Epilogue. Le lendemain, Matthew nous retrouve au cyber-cafe, et vient nous voir. Pour me remercier, il m'offre un porte-cle avec un singe sculpte en bois, parce que "l'homme descend du singe" !

Dans la jungle guatemalteque

Leves tres tot apres la soiree bien arrosee de Placencia, nous prenons trois bus successifs, un taxi, passons la frontiere, puis encore deux bus pour une longue journee de trajet jusqu'a Tikal, de nouveau au Guatemala. Un parc naturel protege ou se trouvent les ruines d'une des plus grandes cites Mayas. Arrives apres 15h, notre billet est vallable pour la soiree et pour la journee du lendemain. Nous nous depechons de planter la tente, avant de penetrer sur le site.

Marche d'approche dans la foret qui s'assombrit deja, avant de nous trouver nez-a-nez avec une pyramide de 30m, denudee en pleine jungle. Assis sur la pyramide d'en face, nous contemplons la lumniere du couchant qui monte peu a peu sur la place centrale. On se prend a rever de ceremonies costumees, de sacrifices et de retour triomphale de conquetes...

Le lendemain a l'aube, nous repartons sur le site. Pas si loin, nous entendons des rugissements : le jaguar peut-etre ? Du sommet de la plus haute pyramide (65m), nous admirons la lumiere du levant qui perce parfois les nuages et apercevons des perruches et toucans qui volent au dessus de la foret. A la descente, un guide nous explique que les rugissements sont le fait de singes hurleurs. Nous ne les verrons pas, mais plusieurs groupes de singes araignee sautent de branche en branche au dessus de nos tetes. Le site est immense, et nus le sillonons en tous sens. Plusieurs pyramides sont encore recouvertes d'herbes et de buissons, seuls les gros arbres dont les racines brisent la roche ont ete coupes. Seuls bemols : la chaleur qui monte jusqu'a devenir etouffante, et les hordes de touristes qui beuglent, effrayant les nombreux oiseaux que nous voyions le matin.

Nous quittons le site a midi pour Flores, la petite ville sur une ile en face de Santa Elena. Resolument touristique, la ville est desagreable, chere, et les guides nous harcelent. Mais nous sommes venus pour trouver un tour operateur nous permettant de visiter le site de El Mirador, une autre cite Maya, beaucoup plus ancienne que Tikal, et surtout beaucoup plus reculee : il faut deux jours de marche dans la jungle pour y aller. Alors que nous n'y croyions plus, nous avons trouve unbe agence qui propose le trajet a un budget convenable. Nous serons six compagnons, un guide et un arriero (le type qui s'occupe des mules).

Leves a 4h20, le trajet commence par trois heures de bus pour Carmelita, la fin de la piste, un lieu encore ravitaille en avion il y a une vingtaine d'annees. Le temps de dejeuner et de charger les mules et nous partons a 10h30, par une chaleur pesante. Les autres membres du groupe : Matthew, un canadien de 19 ans qui voyage seul, Andrew et Suzy deux jeunes aussi canadiens et Milana, une jeune polonaise, galopent comme des cabris. Il fait chaud, nous ne verrons aucun animal, si ce n'est une colonie de tiques, qui recouvre Andrew lorsqu'il s'ecarte du sentier : il passera pres d'une heure a s'assurer qu'aucune n'a pris racine ! La recompense du soir, quand meme, c'est le couchant du haut d'une pyramide dans la cite Maya de Tintal, quasiment pas fouillee, ou nous montons le camp. La soiree n'est pas passionnante, ca discute petards, alcool et insultes en anglais et en espagnol. Le soir alors que nous sommes couches dans la tente, nous entendons le guide donner une lecon de polonais a MIlana : "mas c'est "plus", "cerca" c'est "pret", "de ti" c'est "de toi", ca fait "mas cerca de ti"...

Pour etre a notre rythme, plus tranquille, et profiter des animaux, Magali et moi partons avant le groupe, des le lever du soleil. Bien nous a pris : nous voyons de nombreux singes araignee, d'immenses colonies de termites, des toucans, des pics epeiches a tete rouge vif, des pics roux qui se gavent de fourmis, des poules sauvages, des dindons a crete rouge. Nous entendons aussi des grenouilles croasser en permanence, mais impossible de les voir. J'ai meme l'honneur de bavarder (enfin grogner) avec un vieux singe hurleur solitaire : une sacree rencontre ! Arretes au pied d'un arbre, nous entendons un grognement : un coup a droite, un coup a gauche. Mais ou se cache t'il donc, ce fichu cochon sauvage. Nous levons la tete; ce n'est pas un grognement, mais le vrombissement d'un colibri. Encore un bel eclat de rire ! Un autre quand le guide nous apprend que les soi-disant croassements entendus sont le cri du toucan ! D'ailleurs, il y a plusieurs especes de toucans. Pres du camps, nous en verrons une colonie de rouge et vert en train de gober des fruits. Pour completer notre bestiaire, mentionnons aussi le petit serpent corail, et les araignees nocturnes, dont les yeux brillent dans la nuit sous les fourres, refletant la lumiere des lampes de poche.

Le soir, en haut de la pyramide Tigre du site El Mirador, nous essayons d'admirer le coucher du soleil, mais le ciel est couvert, et les canadiens surexcites d'avoir roule un immense petard. Bof bof ! Toutefois, le site est incroyable : cette pyramide du Tigre ne tiendrait pas sur la place centrale de Tikal. Seul le sommet est degage. Pour le reste, on dirait vraiment une colline dans la jungle. Pas etonnant que cette ville n'ait ete decouverte qu'en 1972 ! Nous revenons le lendemain a l'aube, pour une seance de tai chi au lever du soleil, face a une autre pyramide : la Danta.

La troisieme journee de trek est consacree a la decouverte de la ville engloutie. Les pyramides principales sont disposees suivant un plan qui reproduit une partie de la constellation d'Orion, comme une cite celeste descendue sur terre. Angel, notre guide de 22 ans, nous raconte des legendes tirees du Popol Vuh, le livre sacre des Mayas, comme celle des jumeaux champions du sport favori des Mayas (a mi chemin entre le football et le basket) qui descendent jouer une partie en enfer, contre le diable, pour recuperer la tete de leur pere decapite. Nous voyons des sculptures de ces jumeaux dans une des rares parties deja fouillees de la cite.

Le clou du spectacle (c'est con cette expression, y'a pas de clou dans un spectacle), c'est une ancienne colline amenagee par les Mayas. Sur 300m de large et 600 de long, une esplanade trone a 10m de hauteur. Sur icelle, 10m plus haut, une autre esplanade mesure 100m par 200. On y trouve un observatoir astronomique, deux petites pyramides, un terre-plein central dedie aux ceremonies, et une immense pyramide tronquee de 30m de haut sur la troncature de laquelle se trouvent quatre petites pyramides et une grande de 20m de haut. C'est le sommet, ou vivait le chef politique de la cite. Sans doute les Mayas avaient ils une hierarchie sociale pyramidale ! Ah oui, pour imaginer la scene que nous voyons, seule la derniere pyramide est degagee, ainsi que quelques petites parties d'escaliers. Tout le reste est noye sous la jungle. Difficile de croire qu'a l'epoque, le site etait recouvert de stuc et peint en rouge !

Le soir, Magali se couche tot, mais je me joins a la soiree petards rhum. On rigole bien, d'autant plus qu'on a ete rejoints par deux autres canadiens barbus : Marc et Steve. Le jeune Matthew, qui ne supporte plus le hamac, va dormir dans une tente eloignee. Je l'y accompagne pour profiter de la foret, et nous manquons de nous perdre dans le labyrinthe des tentes sur pieds mais desertes qui accueillent les archeologues en ete ( environ 200 personnes vivent ici de juin a septembre). Au retour dans la clairiere, je decouvre Orion majestueux, qui trone au zenith, tirant a l'arc, avec son chien a ses cotes !

Quatrieme matin du trek, encore leves aux aurores pour repartir a Tintal. La marche se fait sans histoires, Magali et moi discutons de tout et de rien, jusqu'a la plus belle surprise du trek : en train de brouter le long du chemin, nous decouvrons un animal assez enorme (plus gros qu'un veau). Tout a coup, il renifle l'air avec sa petite trompe. C'est la qu'il nous detecte et s'enfuit en courant comme un lapin, mais nettement plus balourd : patapom, patapom. C'etait un tapir ! L'animal le plus gros de la jungle guatemalteque. Nous arrivons vers 16h a Tintal, tous epuises, mais heureux de pouvoir enfin nous reposer apres ces huit heures de marche. PLus qu'une petite journee, et enfin un de nos treks se passera sans accrocs !

Parenthèse paradisiaque

Depuis le Perou, nous n'avions pas vraiment pris de repos. Nous avons donc decide de faire un detour vers la cote du Belize. Au debut, nous nous sommes demandes si ce n'etait pas un peu une folie : il a fallu passer une nuit miteuse a Puerto Barrios, une ville sinistre de la cote guatemalteque, payer des taxes de passage de frontiere et a l'arrivee, ecumer huit hotels de Placencia avant de trouver, dans le neuvieme, un rapport qualite-prix satisfaisant. Une fois installes, nous n'avons plus eu de doute : cette folie etait toute raisonnable. Il etait difficile d'imaginer un lieu plus approprie au repos.
A Lydia's Guesthouse, ou nous avions pris une chambre, nous n'avions pas besoin de quitter le hamac ou le fauteuil du balcon pour voir le turquoise de la mer. Siestes entrecupees d'ecriture pour moi, de maths pour Jeremie. Matin et soir, nous avons parcouru la trentaine de metres qui nous separaient de la plage pour faire du tai-chi a l'omre d'un cocotier. Une fois, des dauphins nous sont meme passes sous le nez dans la lumiere matidunale ! Il regne a Placencia une douceur de vivre que nous imaginions propre aux Caraibes. Des maisons en bois, des hamacs, du reggea, pas trop de touristes, des rues posees sur le sable et citees par le Guiness des records pour leur etroitesse.

Grace aux sous du Pere Noel, nous avons pu nous offrir une journee de snorkelling autour de l'atoll de Laughing Bird, l'oiseau rieur. Imaginez une ile de 10 metres sur 100, ou le sable offre aux pieds la douceur d'une fine farine. Des cocotiers et un petit vent frais rendent l'insolation impossible. Des poelicans pechent avec application tout au bord du rivage, remplissant leur bec d'une eau poissonneuse. L'eau, parlons-en d'ailleurs. Elle passe du vert tendre au bleu fluo, puis du bleu electrique au bleu roi, avec une incroyable maitrise de l'art du degrade


Une fois qu'on a le masque sur le nez, le tuba dans la bouche et les palmes aux pieds, on peut admirer les multiples formes prises par le corail : en boule comme des cerveaux, en palmes violettes comme des arbustes, en branches oranges comme des bougies. C'est le paradis des poissons ronds et longs, presses et colores, petits et grands. Festival chatoyant qui nous fait pousser des oh et des ah dans nos tubas. On a vu les antennes de plusieurs langoustes, les triangles des sapins de Noel, ces petits vers qui s'installent dans le corail, et Jeremie a meme eu la chance de devisager la gueule tordue d'un baracuda ! Une journee formidable.

Notre sejour de quatre jours s'est termine par un diner entre voisins, sur l'invitation de Mike, un noir americain au sourire charmeur. Seul, comme d'ailleurs tous les hommes qui ont occupe les autres chambres de notre etage, il avait envie de cuisiner et de bavarder un peu. Autour d'un poulet aux haricots rouges et d'une bouteille de rhum, nous avons refait le monde avec cet Americain un peu triste de l'etre, et John, un jeune retraite canadien, qui a exprime une pensee qui m'a marquee : "quand on me demande ce que je vais faire de ma journee, je reponds : "ah bon, je dois faire quelque chose ? Je ne peux pas seulement etre ?"

Une soiree magique, jusqu'a l'arrivee de trois americains plus jeunes et moins cultives. Jeremie dira : " entre de vieux Americains jeunes dans leur tete, et les jeunes deja uses, on ne sait pas trop si nous sommes de vieux jeunes ou de jeunes vieux. Une chose est sure : on n'est p`lus a jeun !"

Journées tranquilles dans une ville du crime

Avec nos sandales, nos shorts pas très propres et nos tee-shirts un peu déformés par les lessives à la main, nous détonions légèrement, dans le salon VIP de la compagnie Copa Airlines. Mais nous avions bien l'intention d'en profiter, puisque le billet San José-Guatemala, que nous avions pu acheter suite à nos mésaventures en Colombie, était en business class. A vrai dire, ce n'est pas mal, d'attendre son avion dans de profonds canapés en cuir, en buvant des jus de fruits et en mangeant des petits fours salés et sucrés. Nous avons discuté avec la femme d'un millionnaire qui partait s'installer en Hongrie (la pauvre) et avec un agent immobilier de San José qui s'en allait fêter son anniversaire dans son New York natal (le pauvre).

Nous sommes entrés les premiers dans l'avion, ce qui nous faisait une belle jambe, vu qu'il était presque vide. Mais nous vous le confirmons, on est nettement mieux installé en business class. En plus, on a le droit de manger dans des vraies assiettes, avec de vrais couverts. Nous étions en train de trinquer au mousseux (faute de champagne), quand Jérémie a aperçu par le hublot ce qui semblait être une cigarette géante. Je vous le donne Emile, comme dirait ce bon vieux Coluche, c'était le cratère du volcan Arenal qui brillait dans la nuit ! Un beau cadeau d'au-revoir au Costa Rica.

Arrivés de nuit à Guatemala (Guate pour les intimes), capitale du Guatemala, nous avons été emmenés par un chauffeur de taxi à un hôtel aussi spacieux que désert, au parfum désuet bien sympathique. Les rues de la ville ont beau former un quadrillage presque parfait, nous nous y sommes souvent perdus. C'est allé mieux quand nous avons compris que la suite aride de numéros des adresses désignaient la zone, la rue, le bloc et le bâtiment. Nettement moins poétique que nos rues Victor Hugo et compagnie ! Pour trouver un plan de la ville, nous avons dû faire une queue monstrueuse dans une librairie overbookée par... la rentrée des classes !

Cette ville de 4 millions d'habitants ne présente à vrai dire pas grand intérêt, mais les gens y sont adorables. Plusieurs fois, dans un restaurant ou dans la rue, on nous a adressé la parole pour savoir ce que nous faisions là. Il ne doit pas y avoir souvent de gringos à Guate ! Un homme a partagé avec nous une orange saupoudrée de pepita (une graine ressemblant à celle du tournesol) et, nous prenant pour des Américains, s'est confié à nous. Marié à une Américaine et ayant vécu cinq ans aux Etats-Unis, il ne peut plus y retourner depuis quatre ans, parce que son casier judiciaire mentionne qu'il a possédé une arme, apparemment un pistolet de sac à main, alors qu'il ne s'en est jamais servi. Considéré comme un terroriste potentiel par le Patriot Act, ce qui le désespère, il fait des petits boulots à Guate (usine, agent de sécurité), en attendant que son dossier soit réexaminé. Outre le fait qu'il soit séparé de sa femme et qu'il gagne moins bien sa vie qu'aux Etats-Unis, il est confronté à la violence de la ville jusque dans sa vie professionnelle.

C'est vrai qu'il s'agit d'une des villes les plus dangereuses du monde... Nous ne l'avons appris qu'une fois sur place. De toute façon, c'est vite vu : devant les banques, les pharmacies, les restaurants, il y a des gardes armés de fusils à pompe. Les autres commerçants se retranchent derrière des grilles. Dès la nuit tombée, à partir de 18h30, l'activité dans les rues se réduit drastiquement. A 20 heures, tout est fermé, restaurants inclus, comme si un couvre-feu implicite était en vigueur.

Malgré tout, nous avons beaucoup apprécié les quelques jours passés là-bas, à prendre le bus pour rencontre mes différents contacts dans le monde du livre : deux femmes qui organisent des ateliers d'écriture pour enfants, deux jeunes aussi drôles qu'enthousiastes qui plaident pour une édition sans livres, un éditeur de sciences humaines la veille de son procès en appel pour une histoire de droits d'auteurs soi-disant non respectés (en fait, apparemment une sombre affaire d'intimidation). Plus bientôt, sur mon blog pro !