mercredi 31 mars 2010

Le roi des papillons

J'avais 10 ou 12 ans, mon grand-oncle Geogeo nous avait offert un week-end au Futuroscope. La-bas, le film sur la migration des papillons monarques, projete sur un sol vitre, m'avait beaucoup marquee. Il se trouve que Jeremie avait vu le meme film, a Poitiers aussi, avec la meme fascination ! Alors quand, en avril 2009 a Ithaca, au moment ou nous preparions notre tour du monde, nous avons decouvert que les monarques migrent a 200 kilometres a l'ouest de Mexico City, nous avons commence a en rever. Sur place, nous apprenons que nous sommes exactement a la bonne saison pour les voir !

Nous allons donc de Mexico a Zitacuaro, puis de Zitacuaro a Ocampo. Quand nous approchons du sanctuaire a papillons le lendemain matin, tot, nous commencons deja a en voir voler un peu partout entre les arbres et au-dessus des champs. On dirait des eclats de vitrail orange et blanc, surlignes par de delicats traits noirs. A l'arrivee, nous oublions vite le chauffeur arnaqueur et les vendeurs de souvenirs kitsch, pour entrer dans le parc naturel. Apres 400 metres de sentier amenage, c'est l'attraction : de nombreuses branches sont chargees de grappes enormes de papillons, qui pendent comme de gros fruits mobiles et presque friables. Par moments, sous l'effet d'une mysterieuse magie, des groupes entiers s'envolent, obscurcissant le ciel par vagues virevoltantes. Un spectacle a donner le torticolis ! Mais le chemin deja court de 2,5 km est barre a cet endroit-la, sous pretexte qu'il y a trop de papillons au sol. Il est 10 heures et nous avons un bon pique-nique dans le sac, alors on ne se laisse pas abattre.


Nous sortons du parc et, en nous eloignant un peu, nous trouvons un sentier forestier peu emprunte le long d'une pente completement deboisee (effondrement de terrain ou exploitation excessive ? On ne sait pas). Apres une bonne ascension dans les sous-bois broussailleux, le sommet s'offre a nous, avec une vue magnifique sur la vallee toute cultivee et, au loin, une succession de montagnes surlignees par des echarpes de brume. Contemplation, tai-chi, puis redescente. Jeremie qui, ne l'oublions pas, porte le chapeau magique du capitaine, a la bonne idee de prendre un autre chemin qu'a l'aller. Presque aussitot, nous tombons sur une zone a papillons en pleine nature, sans la foule du matin. La lumiere de l'apres-midi, le ciel devenu bleu, le bruissement des ailes de papillons... C'est encore plus magique maintenant. Plusieurs fois, silencieux et bouche bee, nous restons assis par terre, juste pour le plaisir d'admirer le spectacle. Ironie du sort, ce chemin mene directement au parc, ou nous pouvons re-rentrer en passant simplement sous une corde. Le chemin balise a ete rouvert et c'est vrai qu'il est jonche d'un epais tapis de papillons, morts pour la plupart. Les entomologistes supposent que l'odeur degagee par ces innombrables cadavres permettent aux generations suivantes de monarques de retrouver le sanctuaire, mais ce n'est pas sur.

Une chose certaine, c'est que la substance toxique contenue dans les chenilles du fait de leur alimentation se transmet aux papillons et les protege parfaitement des predateurs, au point que plusieurs autres especes ont le meme aspect que les monarques, mimetisme hautement protecteur. A cette epoque de l'annee (fevrier-mars), les papillons s'appretent a migrer, 4500 kilometres plus au nord, vers les Etats-Unis et le Canada. Un voyage de deux mois, soit 70 kilometres par jour ! (vous voyez, ça a du bon, d'etre avec un matheux !!) La-bas, deux generations qui ne vivent qu'un mois se succedent, avant que la generation migratice, qui vit neuf mois, eclose et parte se reproduire au Mexique. Bref, ce papillon porte bien son nom, c'est un roi ! Et puis pour nous, ça a ete la realisation d'un reve d'enfant, un bel au-revoir a l'Amerique, et un clin d'oeil a nous qui n'irons pas si loin que le Canada !

Mexico maxi City

Mexico City est une ville immense. Vraiment. Elle a ete un temps la plus grande du monde, et cela ne nous surprend pas, nous qui y sommes entres par le Sud, avant de sortir et rentrer par l'Ouest, et le Nord. A chaque fois, le bus ou la voiture met un temps inoui a s'extirper de la masse urbaine. Nombreux sont les banlieusards qui mettent deux heures a aller au travail et autant a en revenir, heures de pointe oblige. Nous aussi, nous en avons vu des vertes et des pas mures, entre visites et rendez-vous : au sud de l'universite, sur le Paseo Reforma, dans le quartier de Coyoacan et derriere la station de metro Ethiopia. Et que dire de l'avenue Insurgentes ? C'est la plus longue du monde avec 40km qui traversent la ville du Nord au Sud. Ont-ils eu l'idee d'en faire un marathon ? Sans doute serait-il infaisable ! A 2400m d'altitude et avec sa pollution epouvantable, la ville n'est pas adaptee aux efforts sportifs. Autre horreur d'une telle megalopole : l'anonymat y regne en maitre, et couple au machisme des mexicains, cela a rendu la vie des femmes impossible. Peu de jupes ou de vetements moulants, sans quoi les remarques et les sifflements fusent. Quant au metro, on y trouve maintenant 3 wagons sur 10 reserves aux femmes, enfants et retraites. La forte division des sexes qui en resulte, particulierement sensible aux heures de pointes, nous a beaucoup impressione.

Passe ces defauts, quasiment inherents a une cite de telles dimensions, la ville de Mexico nous a ravi. Les habitants sont adorables, toujours prets a aider, a renseigner. La diversite des quartiers, et par consequent des ambiancesque l'on trouve en ville, est impressionante : depuis le centre historique ou fourmillent les touristes, a l'effervescence d'un dimanche midi au parc Chapultepec, le plus grand de la ville, ideal pour la balade familiale dominicale, en passant par la tranquilite provinciale de Coyoacan, ancien village adjacent avale par la ville, ou vecurent notament la celebre peintre Frida Khalo et ce cher vieux Leon Trotsky, qui y mourut assassine, et le quartier des embassades et hotels de luxe, tel le 8eme arrondissement parisien.

Et puis on s'est regale de musees et visites culturelles. La cathedrale deja, sur la grande place Zocalo, est la plsu grande d'Amerique et cela se ressent. N'y aurait il pas de bancs au milieu qu'on pourrait y faire un beau match de foot ! Par ailleurs, je suis ravi d'avoir remarque des ma premiere photo que le batiment n'est pas droit. Sans doute a cause d'un terrain trop meuble sous les fondations, la cathedrale penche un peu, comme le montre un immense pendule en plein milieu. J'ai pas vraiment compris comment, mais ils arrivent a la realigner, comme la tour de Pise. Autre eglise splendide, celle de Coyoacan, pleine de peintures (bibliques evidement) colorees, nous abeaucoup plu. Le quarteir est celebre pour sa Casa Azul, la maison bleue, ou vecurent le peintre Diego Rivera et la fameuse Frida Khalo. C'est vrai qu'elle est jolie, avec de beaux jardins, et tous les objets particuliers des artistes, mais ca nous a un peu decu. Au risque de paraitre idiots, ce qu'on prefere chez un peintre, ce sont ses peintures, et il y en avait indecement peu. Heureusement, on a ete au musee d'Art Moderne dans le parc de Chapultepec et la, on s'est regale d'une exposition exhibant la diversite dans la peinture mexicaine du 20eme siecle. On y a decouvert notament Siqueiros, et son demon qui entre par le toit d'une eglise en pleine messe. A l'etage superieur, une expo temporaire sur Remedios Varo, une peitnre au surrealisme feerique, au centre de gaite (c'est comme un centre de gravite mais sans s'NRV, c'est plus poetique, et je sais qu'il n'y a pas d'N a gravite) entre conte, tarot et Lovecraft : un bijou d'onirisme. Par contre, les expositions sur l'art abstrait et les objets quotidiens dans l'art nous ont desoles. L'impression que "l'artiste" se fout de nous, et qu'on aurait mieux fait de rester a la maison voir un episode de South Park.

Toujours dans le parc de Chapultepec, nous avons vu l'immanquable musee de l'anthropologie. Immense et extremement bien amenage, on a visite les salles traitant des mayas, en particulier le tombeau d'un puissant roi est reconstitue, de la civilisation de Teotihuacan, de celle de Mexico et des tribus du nord, limite Arizona. En quatre heures, on n'a pas vu la moitie des salles du bas, mais on a quitte les lieux epuises et ravis apres avoir vu l'immense pierre ronde sur lquelle est grave un calendrier. Surprise a la sortie : quatre danseurs de Veracruz (j'ai oublie le nom precis du lieu) : quatre hommes sont pendus tete en bas a un poteau qui tourne, et un flutiste joue au sommet. Tres spectaculaire !

Le dernier jour, nous nous sommes rendus au musee des Bella Artes, qu'on devrait traduire par musee des Arts Populaires. Ici, pas de blablas sur els auteurs, ils sont systematiquement inconnus, mais les pieces sont splendides. Des patchworks eblouissants, ces petits animaux sculptes en bois et peints de diverses couleurs vives, et des processions de squelettes qui vivent toutes les scenes imaginables. Bref un regal pour les yeux que nous avons traverse un peu trop vite, pour que je puisse voir le match Real-Lyon, et il y a des jours cela fait plaisir d'etre lyonnais.

Derniere vue de Mexico, de nuit, du haut de la tour Latino-Americaine, a 200m de hauteur. La ville est un tapis de lumiere, presque infinie, en tous cas toujours aussi immense. Encore un endroit ou l'on reviendra !

mercredi 17 mars 2010

L'art Monica, duo avec Fabrice

Le vendeur de billets nous avait dit 18h30, nous arrivons donc a 19h40 a l'immense terminal de bus de la Tapo, a Mexico. Impensable de retrouver Fabrice et Monica, venus nous chercher, alors nous leur telephonons. Comme ils n'ont pas trouve trace de notre compagnie de bus, la FYPSA, qui doit bien exister puisque nous sommes bien arrives a destination meme si le chauffeur roulait de nuit tous feux eteints, ils etaient repartis vers chez eux, et nous attendons un moment sous le grand dome avant de les retrouver. Quelques embrassades et presentations et nous voila a la voiture, garee en zone taxi sous les yeux d'un policier qui s'en fout royalement. Bienvenu a DF, comme disent les locaux pour Mexico District Federal, et une de ses specialites : le trafic automobile. Au coeur de la ville, on slalome sur des 2 x 4 voies. Fabrice et Monica naviguent a vue, et demandent le chemin aux taxis, aux passants : Churrubusco, Universidad, Viveros, Insurgentes. Bon gre, mal gre, on arrive au bas de l'immeuble. Coup de chance : Fabrice peut se garer du premier coup. Le garage est certes prive, reserve a l'immeuble, mais franchement exigu : il faut parfois deplacer trois voitures pour pouvoir garer la sienne. Les triples des cles sont tous disponibles, en possession du gardien.

Fabrice et Monica ont ammenage ensemble il ya a a peinde trois mois. L'appartement n'est pas encore entierement meuble, mais quelle splendeur ! Au 5eme etage, il donne sur un quartier sans immeubles. Le balcon, qui borde tout l'angle du batiment, donne donc sur les jardins au premier plan, puis le parc Viveros. Au loin, le volcan Popocatepetl, un embleme de la ville, fume tranquillement, la montagne dont-je-sais-plus-le-nom-mais-je-le-trouverai-facilement-sur-internet-meme-si-j'ai-la-flemme-maintenant a ses cotes. Lumiere du matin donc, qui chauffe par les baies vitrees le salon et la chambre a coucher. Au sud, le "locutorio", c'est a dire le cabinet de psychanalyste de Monica, donne sur la petite rue Olivo, et domine a l'ouest la fameuse avenue Insurgentes, reputee la plus longue du monde, qui traverse Mexico du Nord au Sud sur plus de 40km. Nous dormons sur le divan et sur nos deux oreilles, places pour l'occasion dans la barre du bas du salon en L.

Le soir de notre arrivee, Monica se met aux fourneaux, cactus au fromage et viande grillee, tandis que Fabrice, veritable maitre de ceremonie, nous sert biere mexicaine et vin chilien. Un regal, comme les petits dejeuners que nous prendrons ensemble : un modele du genre, compose de cafe, the, jus d'orange pressee, papaye en des recouverte de yaourt, miel et cereals, et un croissant chaud, digne des boulangeries parisiennes. Ils nous manquent deja, ces moments parfaits pour commencer la journee en douceur. Heureusement, car Fabrice finit le boulot tard : il travaille a l'hotel Intercontinental de Mexico, ou il dirige le restaurant "au pied de cochon". Un matin, il nous a fait visiter cette copie conforme de la celebre brasserie parisienne. Plus d'une centaine d'employes y travaillent, les plats proposes font saliver, et la carte des vins est epaisse comme un dictionnaire. Des sept restaurants de l'hotel, c'est franchement le plus beau. D'ailleurs, c'est le rendez-vous de mercredi soir du tout Mexico : 400 personnes dans le lounge monte en terasse pour l'occasion, et 250 couverts en salle. Ces soirs la, Fabrice rentre a 3h du matin. Un boulot monstre donc, mais c'est un tel plaisir de voir l'enthousiasme avec lequel il en parle, lui qui decouvre un nouveau pays, un nouveau metier, qu'on reprend sa phrase fetiche : "c'est chouette, c'est tres chouette !"

Monica quant a elle recoit les patients a domicile, mais donne aussi des cours de psychanalyse en master a l'universite. Elle aussi est donc debordee, et l'unique jour de repos de Fabrice, le lundi, est usuellement consacre aux demarches et a l'agencement de leur appartement. Par chance, on a quand meme reussi a les sortir et a partir ensemble visiter les pyramides de Teotihuacan. Depart tranquille dans la matinee, aprs un de ces petits-dej de legende. Le trajet en voiture est pour une fois tres simple : tout droit suivant Insurgentes qui, a la sortie de la ville, se transforme en une autoroute qui nous mene facilement au site. Magali qui s'etait endromie pendant le trajet, m'en a voulu de mon cri de surprise quand j'ai apercu les pyramides. C'etait tellement incroyable !

La visite commence par le temple de Quetzalcoatl, le serpent a plume, dieu de l'etoile du matin. Superbement reconstitue, le temple fait apparaitre de nombreuses tetes sculptees, et plusieurs corps de serpent. De la commence l'avenue des morts, artere principale de la cite en ruine, qui mene a la pyramide de la lune. Avant d'y parvenir, on longe la pyramide du soleil, la plus grande d'Amerique. Enfin, pas certain qu'elle ait ete dediee au soleil. Elle eaurait ete un temple au dieu de l'eau : Tlaloc, selon le sdernieres theories. Presque 100m de haut, l'ascencion est difficile, surtout pour Fabrice, sujet au vertige, mais qui arrivera fierement au sommet. En redescendant, nous sommes assaillis par les vendeurs ambulants. Fabrice et Monica s'offrent une superbe nappe carrelle multicolore, qui ravira leur salon encore trop nu. C'est en repartant de la pyramide que j'ai le plus ressenti l'emotion du site. Le lieu etait le coeur de l'Amerique Centrale pendant le premier millenair. Leur reseau commercial s'etendait des mayas guatemalteques jusqu'aux rives du Colorado en Arizona, d'ou etaient importees les pierres turquoises. On se demande comment ont ete baties des pyramides aussi massives. Et puis le vent souffle... Vraiment un lieu magique !

Et si certes la pizza que nous devorons en ville a peine sortis du site n'est pas des meilleures, vous nous avez fait decouvrir de superbes restaux, comme le gargantuesque Don Taco, cette jolie creperie bretonne, ou la pizza argentine que nous avons mange avec Irma et Octavio. Bref, on s'est regale, de vos plats, de votre amitie. Un sejour qu'on n'est pas prets d'oublier. Merci a vous Monica et Fabrice !

lundi 15 mars 2010

Oiser a Oaxaca

Huit heures de bus, c'est penible, surtout quand le regard est irresistiblement attire vers un navet pas possible a la tele, du genre Iron Man. Mais quand on arrive a s'arracher a la malediction, c'est la magie du paysage qui reprend ses droits. Ainsi, pour aller a Oaxaca, des montagnes envahies de cactus hauts comme des arbres nous ont donne l'impression de traverser un immense decor de western...
A Oaxaca, on se sent tout de suite bien. Sur une place, des vendeurs de ballons baudruche disparaissent derriere Mickey, Shrek et Dora l'Exploratrice. Sur une autre, des vendeurs d'artisanat jouent aux attrape-touristes. Plus loin, le musee de photographie presente une superbe exposition (gratuite) de George Miller, un Americain qui a photographie le Mexique des annees 1960. Un soir, nous decouvrons un marche aux livres d'occasion. Le lendemain, des jeunes dansent le hip-hop sur un bout de trottoir. Le jour suivant encore, nous allons ecouter un concert de guitare et percussions dans le patio a l'air libre du musee d'art local. Au hasard de nos balades, nous decouvrons la bibliotheque ancienne de Oaxaca, installee dans l'ex-couvent franciscain. Si les vieux murs peints offrent un ecrin magnifique aux 24 000 volumes gardes sur les etageres, les dorures de l'eglise attenante sont tout bonnement a couper le souffle. Difficile de comprendre comment un decor aussi charge parvient malgre tout a etre si beau. La genealogie du Christ, sculptee sur la voute a l'entree, nous impressionne particulierement.

D'un seul coup, le sentiment de respirer dans une oasis nous fait prendre conscience du desert culturel que nous venons de traverser. Certes, il y a toujours eu des musees a visiter, des pans entiers d'histoire a decouvrir et des gens du livre a ecouter avec passion, mais il nous manquait (deja !) de ces moments joyeux, qui eclosent en coquelicots spontanes au detour d'une rue, sous l'impulsion d'artistes plus ou moins amateurs. C'est vrai aussi que, cales sur le rythme du soleil, nous n'etions pas souvent sortis le soir, avant Oaxaca.

Cela dit, meme si la ville nous a beaucoup plu, nous l'avons quittee a plusieurs reprises pour des escapades. Un matin, nous sommes partis en minibus pour la petite ville de Cuajimoloya, perchee a quelque 3500 metres, avec pour but de randonner jusqu'a Latuvi, 26 km plus loin. Le paysage vallonne, ou alternent bois de coniferes et champs cultives, ressemble incroyablement a l'Ardeche, a quelques details pres : des aloes veras hauts de plus de deux metres, des oiseaux au plumage bleu electrique, des zebus certes aussi placides que des vaches, mais affubles d'incroyables excroissances de chair (gorge et bosse). Nous ne croisons pas grand monde, et faisons probablement des detours imprevus, car le chemin, par endroits mal balise, se perd sous un epais tapis d'aiguilles de pin. Les hameaux que nous traversons semblent abandonnes, leurs habitants travaillent probablement aux champs dans la journee. La fin de la randonnee s'est faite sur une large route de foret qui, peu a peu privee de la lumiere du soleil, est restee bien lisible quand une demi-lune bien claire s'est levee. Marcher deux heures ainsi dans la nuit nous a procure une sensation de liberte et de bonheur intenses. Nos ombres se profilaient, incroyablement nettes, sur le chemin obscur, et les bruits de la foret devenaient plus mysterieux.

A l'arrivee a Latuvi, furieux de voir que payer 90 pesos (la moitie d'une chambre d'hotel !) ne donnait droit qu'a un minuscule triangle de pelouse pour planter la tente (et pas de sanitaires !), nous sommes ressortis du village pour faire du camping sauvage sur le bord d'un chemin. La nuit a ete fraiche, mais le lever de soleil radieux sur les montagnes. Au petit matin, apres avoir marche quelque temps le long de champs d'arbres fruitiers, tout en fleurs avec l'arrivee du printemps, nous avons fini par etre pris en stop dans la camionnette d'un couple de boulangers. On a fait le voyage debout, tetes aux vents (oui oui, au pluriel) par la bache defaite : le bonheur !

Avant de rentrer a Oaxaca ce jour-la, nous avons fait un detour par Tule, ou l'on peut voir un arbre deux fois millenaire, tout plisse de rides, deforme d'excroissances, peuple de "millions d'oiseaux" (sic). Lui aussi, le printemps le faisait bourgeonner. Je me suis sentie toute petite face a lui (voyez un peu sur la photo !).

Autre escapade, pour visiter le site archeologique de Monte Alban, ponctue de grands jacarandas au plus violet de leur floraison. Perche sur une colline bien degagee, le site domine les vallees alentours, dont celle de Xoxocotlan (on vous le dit, au cas ou la lettre X sorte dans votre prochaine partie de Petit Bac). Les pyramides et les temples, soit une dizaine de constructions, sont orientes Est-Ouest, tandis qu'un observatoire astronomique a la forme biscornue a une orientation complement differente, tres etonnante. On peut meme voir un terrain de pelota, ce jeu de ballon pratique par les Azteques seulement avec les epaules, les hanches et les cuisses. Jeremie aimerait bien remettre ce sport antique au gout du jour, alors avis aux amateurs ! Par ailleurs, des bas-reliefs bellement preserves montrent le sort reserve aux prisonniers de guerre : ils etaient tout simplement emascules (simple et efficace ?).Encore une belle escale, donc, qui s'est terminee autour d'un verre de mezcal, sorte de tequila artisanale produite dans le coin. Etape suivante, Mexico D.F., la capitale gigantesque...