mardi 31 août 2010

Spirit of Spiti

On a hesite a passer la fete nationale indienne, le 15 aout, a Keylong. Mais on s'est dit que l'on risquait vraiment de s'ennuyer au bout d'une heure, et puis on avait deja entendu les repetitions. Alors on s'est mis en route pour le Spiti. Premier bus a 6h30, il nous mene a Gramphoo. La, on attend a une dhaba le bus qui vient de Manali, par la fameuse Rhotang pass, avant de se diriger vers Kaza, ville principale du Spiti. Apres une heure, on se dit que le bus n'est pas pret d'arriver, car la passe est une route affreuse. On s'arrange avec des camionneurs, et on part en stop. Nous sommes 4 pour 3 places dans la cabine du camion. Les deux acolytes fument un petard et ecoutent la musique a fond. On entame une longue remontee de la vallee la plus sauvage que nous ayons vue en Inde. Apres 30km, on trouve un campement avec quelques boutiques abritees par des tentes. La route reprend de plus belle, ou plutot la piste, car ce n'est pas goudronne. Les cahots sont incessants, parfois terribles surtout quand nous traversons les ruisseaux (rivieres) qui coupent la route. Nous mettons plusieurs heures a arriver au col, a 4500m d'altitude.

Nos chauffeurs s'arretent pour une priere pres de la stupa, nous sommes trop heureux de nous degourdir les jambes. Puis on commence a descendre dasn la vallee du Spiti. Le paysage est somptueux, presque lunaire. Seuls poussent quelques herbes, et des arbustes dans le lit de la riviere. Tout autour de nous, des pentes rocheuses escarpees. Plus loin, des sommets blancs, certains quasiment pyramidaux. Apres une halte pour dejeuner (a 15h30) au village Losar, nous repartons, cette fois a 5 pour 3 places. Magali est sur mes genoux. Nous ne tenons pas longtemps. Au prochain arret pipi du chauffeur, nous montons a l'arriere, dans la benne, ou nous luttons en nous tenant aux barres pour rester debout. Le jeu en vaut la chandelle : nous nous retrouvons avec le paysage a 360 degres, dans la douce lumiere du couchant. Les enfants qui jouent au bord de la route font coucou; pres de la riviere, des dizaines de colonnes de pierres erodees montent la garde; au loin, un monastere sur un promontoire rocheux. On arrive a 19h, fourbus, mais trop heureux. Le bus arrivera a 23h.

Kaza aussi est plus un gros village qu'une ville. On y etablit nos quartiers tres franchement : un hotel, un restaurant, un cyber cafe, what else ? La chambre est correcte, quoique pas aussi chic qu'a Keylong, surtout car l'electricite est coupee presque en permanence, de sorte que l'eau est dure a chauffer. Pourtant notre hote, Sanjuk, est adorable. Il nous recommande un restaurant ou nous mangeons matin, midi et soir. La carte est variee, le service ausi rapide que le permet l'abondance des clients, et le serveur, toujours aux petits soins, deviendra vite un ami. Quant a internet, c'est lent, connexion comme ordinateur, mais nous y passons trois jours entiers. Deux que je consacre a completer mon dossier pour un poste de recherche au Japon l'annee prochaine, une ou Magali repond a une interview sur son projet autour des livres. Comme elle passe un coup de fil via Skype, je me dis que Spiti telephone maison

. On ne sait pas vraiment si on a la malchance de regler ces problemes ici ou la connexion internet est la pire (quand elle n'est pas coupee car il n'y a plus d'essence pour le generateur), ou si on a la chance d'avoir une connexion, qui ne fonctionnait pas du tout a Keylong. Autre malcahnce, le cyber comme la ville sont bondes de touristes, car le Ladakh voisin est inaccessible cette annee, en raison de la catstrophe qui y a eu lieu. Du coup, tout le monde fait comme nous et va au Spiti.

Quelques jours apres notre arrivee, on peut enfin se balader. On part a la journee, trajet en triangle, pour aller au Komik gompa (monastere), puis au village de Langza, avant de revenir a Kaza. Au debut tout va bien, puis le sentier est bloque par des eboulis que nous traversons perilleusement. On perd du temps et de l'energie dans ces zones dangereuses. Heureusement, a force d'efforts et d'abilete, nous passons. Arrives sur la crete, nous sommes au milieu d'un paysage somptueux. A presque 360 degres, la barriere neigeuse nous environne. Nous marchons un moment sur un plateau ou poussent des herbes, avant d'arriver en vue du gompa, de son village et des champs cultives. Le lieu est magnifique, mais les habitants peu accueillants. Une salle de priere sombre et enfumee est interdite d'acces aux femmes. Un moine y annonne des prieres. Dans le hall, un leopard des neiges empaille a la va-vite trone omme un triste trophee.

On continue notre marche, et on rencontre un couple de jeunes israeliens. Sympas, mais visiblement peu habitues a l'altitude, il mettront trois jours a faire notre trajet. Il est drole de noter a quel point les israeliens sont nombreux a visiter le Spiti, tellement qu'il y a des plats israeliens aux menus des restaurants, et meme certains nous ont aborde en parlant hebreux directement. Apres etre passes au hameau de Hikkim, on franchit une crete et l'on domine Langza, le village ou nous nous rendons. Derriere, deux sommets gigantesques sont completement enneiges, et la lumiere du soleil joue entre les nuages pour en eclairer des parties. Il est presque 15h quand nous arrivons enfin a la dhaba du village, ou une femme peut nous preparer un repas. L'interieur est tres simple : un poele a bois au milieu, des tapis et coussins tout autour, ou nous nous asseyons, et une cuisiniere a gaz dans un coin. A cote, il y a un plan incline en pierre au niveau du sol avec un trou d'evacuation au bout : c'est l'evier. Elle nous sert un plat de champignons en sauce proprement divin, accompagne des immanquables et delicieux chapatis, un peu plus epais que d'habitude, car ils ont leves, ce qui n'est pas pour nous deplaire.

Si nous avions su comment la journee allait finir, nous serions restes passer la nuit. En quittant le village, on monte voir le Bouddha geant qui le domine. Haut en couleurs, il trone au dessus de la ville. De la, on se met en route. Plusieurs personnes nous avaient dit qu'il y a un raccourci a travers la montagne qui mene de Langza a Kaza sans passer par la route. On nous montre un debut de sentier : c'est parti ! En fait, le sentier se dissout dans les paturages et nous continuons a travers champs. Quand on arrive sur la crete, aucune trace de sentier, la falaise bloque tout.

On longe la crete, ce qui nous permet de dominer le lit du Spiti ou se reflete la lumiere tardive du couchant. C'est splendide, mais cela ne nous avance pas. Enfin, on trouve un chemin, qui nous ramene a Hikkim. On prend la route pour Kaza, vite rejoints par un couple d'indiens qui nus indiquent enfin le raccourci. On ne risquait pas de trouver, il part de Hikkim, pas de Langza ! On commence a descendre, mais la nuit tombe deja, et Magali est ralentie par une douleur au genou. Pour ne rien arrange, il faut a nouveau contourner des eboulis. Arrives a un lacet de la route, force est d'entendre raison et d'ecouter l'indien qui nous avise : "vous devez descendre par la route, pas par le sentier trop dangeureux dans le noir". Voila comment alors qu'on etait presque arrives on a fait un detour de 8km parce que la nuit tombait. On arrive a 21h, epuises d'avoir marche presque 15h.

Le lendemain, la douleur au genou de Magali est persistante, alors nous allons voir l'hopital, qui prescrit une creme et trois jours de repos. On passe donc encore trois jours a Kaza, avant de partir en trek. Des journees passees a pas faire grand chose, meme si on a pu emprunter des romans en francais a l'agence qui organise notre trek. On a quand meme eu la chance de faire une belle rencontre : Ramakrishna, un peintre indien qui nous montre les photos de ses tableaux, fabuleux, et avec qui nous faisons des echanges de musique mp3. Il y avait bien longtemps que nous n'avionspas fait une rencontre aussi enrihissante !

La-haut, le Lahaul

A la fin du trajet en bus infini, Paul, le jeune etudiant de Dehli qui rappelle a Magali son ami Paul, le jeune etudiant de Paris, nous avait conseille l'hotel tenu par son cousin Kuldib. A la descente du bus, c'est un moustachu jovial qui nous accueille : "Welcome sssiiirrr". Sumrila est une guesthouse splendide. Notre chambre a deux fenetres donnant sur la vallee, le lit est couvert de couettes super epaisses qui vont nous tenir chaud la nuit. La salle de bain est impeccable, et le chauffe-eau donne en 20 minutes un plein ballon d'eau bouillante. A l'etage, notre moustachu que nous allons vite surnommer "papy", excellent cuisinier, nous prepare les plats que l'on veut, tandis que nous patientons en terrasse, vue imprenable sur les sommets enneiges. Soyons honnetes, on a fait une nuit de 15h a notre arrivee, puis une "journee morte" ou nous sommes a peine descendus voir le centre de la petite ville, ou plutot du gros village qu'est Keylong.
L'Inde est le premier pays ou nous eprouvons l'envie (presque le besoin) de manger occidental. On est heureux de manger pizzas, frites et poulet grille, plutot que les typiques riz en sauce, qui sont bien trop lourds pour nos estomacs, et qui risqueraient de nous faire (re)prendre un petit bidon a l'indienne. Notons quand meme que les restaurants servent des repas "de fete" alors que la cuisine maison est plus simple et plus digeste. Notre petit luxe de Keylong, c'est de boire du the au citron : un regal, dont je realiserai apres quelques jours l'effet laxatif, que notre "papy" sert en hochant la tete : "please sssiiirrr, thank you sssiiirrr". Incessament, il arbore ce que nous avons le plus de plaisir a retrouver ici dans les montagnes : le sourire. Certes a Chandigarh, et meme deja a Dehli, on avait retrouve des gens qui souriaient, mais d'une maniere generale, les indiens de la plaine du Gange ont un comportement tres froid, le sourire est rare, et souvent donne du bout des levres. Ici pas de chichis, on sourit, on rit, on rigole, et les habitants entre eux en font de meme. Pour la premiere fois depuis notre arrivee en Inde a Calcutta, on se sent juste bien. Il faut dire que les temperatures ideales nous changent de la fournaise de la plaine.

La premiere balade que nous faisons a pour objectif le gompa (monastere), que nous voyons depuis notre chambre, de l'autre cote de la vallee. Le pont est bien entendu recouvert de drapeaux a priere tibetains. A peine commencons nous a grimper de l'autre cote qu'une jeune femme, Sarla, se met a nous guider. Elle fait de nombreuses pauses pour nous laisser respirer, car ce n'est pas facile a 3200m, puis nous explique qu'il faut passer a gauche des amas de pierres gravees de prieres. On traverse des champs de patates et de pois, puis apres pas loin d'une heure de montee, nous arrivons au gompa. La terrasse domine la vallee, et nous y passons un moment a nous emerveiller devant ce paysage, tandis que Sarla monte voir les nones pour ouvrir le temple. A l'exterieur, les dragons et les lions peints montent la garde. Tout autour du batiment, nous faisons rouler de petits rouleaux a prieres. A l'interieur, on trouve de nombreuses statues de Bouddhas, des portraits des differents lamas locaux dont bine sur l'inevitable dalai lama, dont nous raterons de 4 jours seulement le passage dans la region. Sur les murs est peinte la vie de Bouddha : travail de grande qualite vraisemblablement fait recemment, les tableaux sont tres colores, et l'on se sent vraiment bien dans ces lieux.

A la descente, Sarla nous montre un autre temple, beaucoup plus intime celui-la, a l'interieur d'un petit hameau. Tres sobre, les dalles de pierres ou nous posons les pieds nus sont glacees. Un rouleau a prieres assez grand git au sol : il est casse, ce qui nous permet de voir qu'a l'interieur se trouvent des pages et des pages de prieres enroulees, qui sont "recitees" quand le rouleau tourne. J'aime beaucoup ce systeme de prieres automatiques, semblable a celui des drapeaux dont le texte est "lu" par le vent. L'autre curiosite est un rocher a l'interieur du temple, sur lequel se trouvent trois traces sacrees. On n'a pas bien compris, Sarla ne savait pas nous expliquer. Est ce un Bouddha, un oiseau, un animal quelconque qui a laisse ces traces ? Nous ne savons pas. Pourtant le lieu que nous explorons a la lumiere du brioquet est emprunt d'une atmosphere etrange. On fait le tour du temple pour faire rouler les prieres, puis on renfile nos chaussures pour le chemin du retour.

Pres du pont, on s'arrete dans l'herbe pour souffler un peu. C'est jour de chance : nous sommes 3 et nous trouvons 3 trefles a 4 feuilles. Sarla nous raconte son boulot. Elle travaille pour le bureau des forets indiennes, et doit s'assurer que les paysans ne coupent pas les arbres. Job tranquille, qui lui demande quand meme de beaucoup marcher. De retour en ville, elle nous emmene manger des momos (raviolis tibetains a la viande) dans une dhaba, c'est a dire un petit restaurant populaire.

Le jour suivant, on visite un autre gompa, au dessus de Keylong cette fois. Il est plus ancien, mais tout aussi joli. La balade qui nous y mene nous fait passer dans des champs, un ravin de ruisseau, et surtout voir des quantites de fleurs d'altitude. Formes, textures, couleurs sont variees, mais on prefere la petite etoile violete a 5 branches. On apercoit les chambres des moines, qui sont des lieux resolument depouilles. Matelas et quelques vetements sont le seul mobilier d'une piece ou trone un poele a bois.

Le dernier gompa que nous visitons est facilement accessible par la route, mais le site est tres spectaculaire. Les batiments ont ete construits contre la falaise, dans un renfoncement de la montagne. Des drapeaux de prieres tendus sur des dizaines de metres depuis le promontoire dessinent un triangle qui entoure le temple. Le lieu est fascinant, les moines qui passent la matinee a repeindre un rouleau a prieres gigantesque sont tres accueillants. On passe un moment sur les tapis du temple. Aux murs, des divinites etranges a milles bras et trois yeux. Les lieux sont d'une sereinite incroyable.

C'est le jeudi 12 aout que nous avions prevu de partir en trek pour la journee. On envisage d'aller a Gondla, un village un peu plus loin sur la route, en passant par un col a 4400m d'altitude. On se leve a 4h45, "papy" nous prepare le petit-dejeuner a 5h10, ainsi que des sandwiches pour le trajet. A 5h30, il commence a pleuvoir, pour la premiere fois depuis que nous sommes a Keylong. On tente la randonnee quand meme, en se disant qu'on se sentirait ridicules de rester la si a 7h la pluie s'arrete pour laisser venir le soleil. Mais a 7h, il pleut toujours autant, et on se dit que ce serait idiot de passer le col sous la pluie, en plus d'etre dangeureux, car l'eau risque d'entrainer des glissements de terrain. On est de retour a 8h, et on se fait une journee couette. Il pleuvra jusqu'a 16h quasiment sans discontinuer.

Heureusement pour nous, la tele a une chaine de cinema en anglais. On mate Swimfan, Pearl Harbor, la Recrue avec Al Pacino et Bruce tout puissant. L'echec de ce trek nous rappelle la malediction recurrent a notre tour du monde : depuis mes diarhees de Choquequirao, il y a eu la pluie de Baru, les 37 degres de Ayers Rock, les inondations aux Macdonnel ranges, les vilains guides de Batur et meme l'abscence de pluie au rafting a Pai.

Heureusement, le vendredi 13 maudit la malediction, et nous partons sous un soleil radieux ! La vue devient rapidement fantastique. Les sommets enneiges au loin, nous longeons un canal a flanc de colline pendant un moment, puis on s'eleve. Evidement, les indications (orales, car il n'y a pas de carte) que nous avons eues sont foireuses, et le chemin se perd dans un paturage. On marche longtemps a travers des champs de fleurs fantastiques, jusqu'a trouver un berger qui nous indique le chemin. C'est un petit homme au sourire radieu, emmitoufle dans sa couverture, la tete couverte d'une sorte de beret cylindrique. De loin, il s'assure que nous passons au bon endroit, car la pente est raide, et domine de vilains pierriers.

Enfin, on arrive au col peu apres le dejeuner (sandwich fromage moutarde, une benediction de "papy"). La haut, un autre berger, accompagne de son chien farouche, nous montre l'interieur de la stupa, ou des dizaines de bougies brulent. A l'exterieur, battus par les vents, les drapeuax flottent par centaines. Nous sommes sur une crete, l'epine dorsale du dragon. A droite et a gauche, des murs de sommets enneiges. Pourtant, si ce sont bien les dents de Siva, celui ci a de vilaine scarries, car a bien des endroits, la neige a deja fondu ! La redescente est douce, on admire la montagne en face, ou un glacier immense pend comme le nez d'un geant, avant de chuter en deux cascades successives, comme une goute au nez gigantesque. Plus bas, un ruisseau sort de la pente, couvert de fleurs roses. Enfin, apres 11h de marche, nous voila a Gondla, ou l'on retrouve Kuldib, le patron de notre hotel (plus jeune que son employe "papy"), passe rendre visite a sa famille, qui nous paye le taxi apres 2h d'attente du bus qui ne passait pas. De A a Z, notre sejour a Keylong aura te un plaisir.

dimanche 29 août 2010

En route vers l'Himalaya

Sortir de Chandigarh fait realiser a quel point les peripheries de la ville sont misereuses. Des centaines de personnes vivent dans des bidonvilles, faits de sortes de tentes de baches en plastique bleu ou jaune, tendues sur des bouts de bois. Le chauffeur du bus est une espece de fou furieux qui roule a vitesse constante et, quand un obstacle se profile, ecrase le klaxon tant qu'il peut (a tel point que ce dernier montre parfois des signes de faiblesse) Et quand le klaxon ne suffit pas, il fait un brusque ecart a la derniere seconde. A plusieurs reprises, j'ai peur qu'il emplafonne un camion ou une moto, d'autant que personne ne conduit vraiment bien et que les depassements ne tiennent compte d'aucun code de securite. Enfin, tout se passe bien malgre tout, et le debut de la montee par la route de la montagne l'oblige a lever un peu le pied. Le trafic est etonnamment dense, plein de ces camions oranges peints qui affichent "good carriers" et le nom des regions pour lesquelles ils ont un permis de circuler (la moitie environ arborent "National Permit"). Il faut parfois eviter des chiens, des vaches et meme des singes. A plusieurs reprises, nous devons attendre le passage des vehicules dans l'autre sens pour repartir. Les ponts font presque toujours l'objet d'une circulation alternee un peu au petit bonheur la chance. Nous prenons dans le visage tant de poussieres et de fumee de pots d'echappement qu'a la deuxieme pause (la premiere nous avait permis de manger des chiapatis avec des pois chiches), Jeremie ressemble a un ramoneur ou un charbonnier ! Nous symnpathisons avec un beau jeune homme coiffe d'un impeccable turban rouge.

Nous arrivons a Mandi vers 15 heures... sous une pluie battante ! Nous nous refugions sous un auvent ou une vache prend deja toute la place, mais un homme vient aussitot nous proposer de nous abriter dans son bureau. Sa barbe poivre et sel mal taillee, son turban blanc et son large sourire nous sont sympathiques, alors nous le suivons. Il s'agit bien entendu d'une agence touristique, mais maintenant que nous y sommes... L'homme nous offre du the et des biscuits. Nous devons le freiner quand il veut que nous mangions un epis de mais grille, car nous savons que c'est une loi universelle qu'il faut le moins possible etre redevable d'un agent touristique. Sur la carte detaillee des alentours affichee dans le bureau, nous decouvrons que le lac vers lequel nous voulions faire une journee de marche est en fait qccessible par une petite route. C'est a dire que demain, dimanche, ce sera plein de monde... C'est a nos yeux encore plus redhibitoire que la meteo incertaine. Nous n'ecoutons que d'une oreille les suggestions de tours et les mises en garde contre les vallees plus au Nord, ou il y a des sangsues et des glissements de terrains (sic). Nous savons d'ors et deja que nous repartirons des demain, vers Keylong.Tranquilles, apres une bonne douche certes au baquet mais a l'eau chaude, nous sortons faire un tour dans cette jolie ville escarpee, construite au dessus du large torrent qui a creuse la vallee. Jeremie l'avait choisie expres car elle n'etait pas indiquee en tant qu'attrait touristique et, une nouvelle fois, sa strategie a paye. Les gens semblent tres surpris de nous voir, mais les regards ne sont pas durs comme ceux auquels nous avions ete auparavant confrontes. La ville en elle meme est adorable, avec ses toits en loze, ses dentelles en bois accrochees aux gouttieres, ses petites rues tranquilles et PROPRES malgre de nombreux anes, sa tres jolie place centrale avec deux galeries de commerces et, au fond du creux, un jardin.

Reveil tres difficile le lendemain, quand l'alarme de la montre nous tire d'un lourd sommeil a 4 heures... Dehors, il fait encore nuit noire et nous ne croisons pour commencer que trois anes. Puis du cote de la gare routiere, quelques personnes attendent le bus, beaucoup dorment sur les bancs. Le receveur des tickets (poinconneur aussi) nous dit qu'il n'est pas sur que le bus aille jusqu'a Keylong, car les dernieres pluies, violentes, ont provoque des eboulements qui ont bloque le passage, mais au moins, nous pouvons aller jusqu'a Manali, ce qui nous fait avancer de quatre heures dans la bonne direction. Nous entrons donc tant bien que mal dans le bus ou le passage est obstrue par des bagages et un homme qui dort a meme le sol. Nos sacs viennent rajouter du bazar en plein milieu. Et nous voila partis.

Comme il fait nuit, le chauffeur utilise davantage ses feux que son klaxon qu'il a de toute facon bien faiblard. Bientot, le jour se leve et nous decouvrons que nous longeons a flanc de montgane la vallee dessinee par une riviere beige au fort debit. La brume laisse des echeveaux au dessus de l'eau et le long des coteaux encore tout ternes de nuit. Spectacle magique. Je me demande comment les homme sont fait pour construire la route. Je me demande comment le chauffeur fait pour manoeuvrer le bus si bien, parfois si pres du bord, si pres de l'eau. A un moment, nous passons dans un tunnel aux parois inegales, a peine eclaire par quelques ampoules. Le trajet y semble infini. Nous croisons un homme a pied. Va t il faire les 5 ou 6 km de tunnel noir a pied ? Quand nous ressortons, a la lumiere, je trouve le paysage plus beau que jamais, avec ses pics sombres, ses meches de brouillard, son serpent brun qui se fraye un chemin au fond. Premier arret a Kullu, bourgade de belle taille. Un efemme tres belle monte et s'assied a cote de moi, elle a la peau claire et le visage rond, une robe noire brodee sous laquelle elle porte des pantalons serres. Elle m'offre un meveilleux sourire.Nous continuons de grimper, lacet a pres lacet. Il y a beaucup moins de monde sur la route que la veille. A Manali, ou nous somme sstupefaits de voir du cannabis envahir les bas-cotes comme du chiendent, nous apprenons que la route pour Keylong est ouverte, nous allons donc pouvoir continuer. On va donc aux toilettes acheter de l'eau et du Fanta. Pour le reste, nous sommes pares a continuer meme si nous avons tous les deux mal au ventre. Nous sympathisons avec un etudiant qui vient de quitter Dehli pour rentrer passer les vacances chez ses parents, pres de Keylong. Il s'appelle Paul.

Quand le bus redemarre, ce n'est pas encor epour longtemps. Nous voyons encore la ribambelle des hotels de Manali quand nous somme sbloques par un bulldozer qui est en train de degager la route, barree par un petit eboulement. Le chauffeur laisse passer ensuite les voitures, plus rapides que nous, avant de redemarrer. Nous montons toujours, la brume devient de plus en plus epaisse, au point que nous ne voyons souvent que les innombrables fleurettes dans les bas cotes, elles sont d'ailleurs extraordinairement multicolores. Parfois, on passe tellement pres du bord qu'on ne voit plus la route. Parfois, le lacet que nous devons faire nous masque la route en dessous, on a l'impression de voler parmi les nuages. Parfois, il faut s'arreter pour laisser doubler les vehicules plus legers. Parfois, il faut qttendre qu'un bus, une voiture meme pas 4x4 ou des motos de touristes s'extirpent de leurs ornieres boueuses. Parfois, il faut reculer pour pouvoir croiser un camion qui nous frole. Souvent, des glissements de terrains rendent la route presque impraticable. Pourtant, on passe !

Le chauffeur se montre d'une precision et d'un sang-froid admirables. Dans le bus, les passagers parlent peu. On ecoute parfois un peu de musique, qui evoque la Chine avec ses flutes et ses percussions (plus rien a voir avec les Bollywood !) Les gens dorment comme ils peuvent, avachis sur leur sac, entasses les uns sur les autres. Paul, qui vient directement de Dehli, mort de fatigue, est d'une paleur presque maladive; il se tourne dans tous les sens sur son siege pour essayer de trouver une position pour domir. En ce qui me concerne, terrassee par la fatigue, un mal de ventre intermittent et la fievre qui mont elentement, je m'endors par a-coups, le menton tombe sur la poitrine, ou la tete posee sur l'epaule de Jeremie. Mon corps n'est plus que maletre. Le trajet me parait infini, j'ai l'impression que nous n'avancons pas.

A l'arret officiel suivant, je peux aller me soulager aux toilettes. L'air vif et l'acidite d'une pomme me revigorent, mais pas au point de suivre Jeremie qui gambade pour faire des photos. Nous croyons avoir atteint la passe Rothange a 4000m et sommes osulages a l'idee d'amorcer enfin la descente. En realite, il reste encore 8km avant le col... Quand enfin, nous l'atteignons, c'est dans un vent, une brume, un froid qui donnent l'impression d'etre sur une autre planete. La descente, tres longue, se fait neanmoins plus facilement, sur un terrain plus sec et parfois goudronne. Mais les lacets n'en finissent pas. Au final, nous aurons fait 72km en 4h30, soit une moyenne de 18km/h (Jeremie m'apprend a l'instant que la moyenne du Tour de France cycliste est de 36km/h !)

samedi 21 août 2010

Chandigarh, ville moderne

Le train qui nous emmene vers Chandigarh, au Nord de Dehli, ressemble davantage a un TER nouvelle generation qu'a un train indien. A vrai dire, ce n'est pas pour nous deplaire ! Des serveurs passent meme dans les wagons pour offir des en-cas et du the a volonte. Et a l'arrivee, nous n'avons que 30 minutes de retard ! Il brille un soleil radieux sur Chandigarh, mais nous ne pourrons en profiter qu'au bout de deux jours car Jeremie est cloue au lit par une vilaine diarhee. Heureusement, il a deniche dasn la bibliotheque de l'hotel "Cette nuit, la liberte", un roman historique qui retrace les evenements de 1947, annee de l'independance et de la partition de l'Inde. Il le devore ! Pendant ce temps, je remplis le carnet de voyage, puis je mets a mon tour la main sur de la bonne litterature : un recueil de nouvelles d'Asimov en francais ! Ca nous fait drole de nous emmitoufler dans nos duvets comme par un gris dimanche de novembre. Il faut dire que la clim est bloquee sur 18 degres, et que sans elle, on etouffe.

Quand Jeremie va mieux, on part a la decouverte de cette ville particuliere. En fait, au moment de l'independance de l'Inde et de la creation du Pakistan, la region indienne du Penjab a ete privee de sa capitale Lahore, desormais en territoire pakistanais. Il fallait donc non seulement doter la region d'une capitale administrative, mais en outre absorber l'afflux de refugies hindous fuyant le nouveau pays muslman. Soit dit en passant, ils croisaient dans l'autre sens des hordes de deplaces musulmans qui quittaient l'Inde en catastrophe. Car la partition du pays, effectuee sur une base essentiellement religieuse, a entraine de part et d'autre des violences d'une cruaute inimaginable, comme si la cohabitation seculaire des differentes communautes etait soudain devenue impossible. La necessite d'une nouvelle grande ville au Penjab a donc ete proclamee par Nerhu en personne.

Dans un premier temps, c'est une equipe americaine qui s'est chargee du projet, tracant le plan d'une "garden city" aux lignes courbes, et organisee autour d'une allee de verdure. Mais la mort brutale d'un des cerveaux de l'equipe dans un accident d'avion a entraine la demission de tous les autres. C'est le francais Le Corbusier, accompagne de son neveu (une carte postale promise a qui trouvera son nom en premier), qui a repris le chantier. Ceux qui connaissent un peu l'homme et son oeuvre ne seront pas etonnes d'apprendre qu'il a imaine une ville au quadrillage efficace (il affirmait : "la ligne courbe est une source de danger") avec des unites d'habitations prevoyant des commerces et des espaces publics qui permaettraient aux gens de se rencontrer. Resultat : on evolue dans une ville ou chaque "secteur" porte un numero. Cela peut paraitre forid et sans ame, mais nous nous sommes sentis etrangement bien dasn cette ville en damier. Il faut dire qu'au rez-de-cahussee de chaque bloc, des arcades presque toujours a l'ombre laissent circuler un vent tres agreable, qui fait oublier la brutalite du soleil.

Certes, des pans de rue entiers sont visiblement laisses a l'abandon, et la succession interminable de boutiques de vetements donne a ces arcades un cote absurde. Mais l'espace laisse entre les batiments et l'existance de vastes zones pietonnes nous donnent l'impression de respirer mieux que dans toutes les autres villes indiennes ou nous avons deambule. Une vaste roseraie permet meme de se mettre au vert.
Au Nord de la ville, un endroit insolite a emerge, d'abord dans le secret le plus absolu : c'est le Rock Garden. Un inspecteur des routes, facon Facteur Cheval, ramassait durant ses tournees tout un tas de dechets (vaisselles brisees, sacs de toile, prises electriques, gravats...) pour les reutiliser dasn la decoration d'un jardin cache. Le jour ou la municipalite, venuee inspecter la zoen pour en planifer l'amenagement, a decouvert cette douce folie, l'homme a ete demis de ses fonctions. Mais le succes de son Rock Garden aupres du public et de la presse lui a permis de continuer de developper ce reve grandeur nature, desormais ouvert a la visite. On deambule dasn un dedale de petis jardins, le long de cascades, sous de fausses racines (en beton) entremelees. Des maquettes de chateaux imaginaires sont posees sur des promontoires. Tres spectaculaires, des armees d'animaux, d'hommes et de femmes nous observent de haut, dasn le silence de leurs pierres cimentees. La partie la plus recente du jardin, moins parlante, ressemble d'avantage a un espace public, avec son amphitheatre orne de mosaiques, son aquarium, son drole de palais des glaces et ses immenses balancoires. On finit par sortir du reve, partages entre l'emerveillementde la decouverte, et l'agacement d'avoir ete suivis pendant toute la visite par trois hommes qui me deshabillaient du regard, tout en restant a distance suffisante pour eviter l'affrontement. Pourtant, je portais des vetements indiens !Je dois dire que, depuis le debut de ce tour du monde (ca fait dix mois maintenant), l'Inde est le premier pays ou le regard des hommes me met mal a l'aise. Meme dans des pays muslmans comme l'Indonesie et la Malaisie, je pouvais porter des shorts sans aucun probleme, les gens nous regardaient, Jeremie et moi, avec de la curiosite, et de la sympathie. Tandis qu'en Inde, j'ai beau cacher mon corps sous toutes les longueurs de tissus possible s et imaginables, les homme sme fixent presque en bavant, sans meme paraitre remarquer la presence de Jeremie a mes cotes. Machisme ? Poids des mariages arranges ? Simple frustration bestiale ? Je ne saurais trop expliquer ce phenomene, mais il me met on ne peut plus mal a l'aise (et en rogne).

Nous avons remarque qu'on voit assez peu de femmes dans l'espace public. Meme dans les transports en communs, il y a toujours une majorite ecrasante d'hommes. Ceci expliquerait cela ? N'empeche qu'a la television, ca ne gene personne que les femmes soient habillees a l'occidentale, ou fassent une seance tee-shirt mouille dans tout Bollywood qui se respecte. D'ailleurs, sur la place centrale de Chandigarh, nous assitaons au tournage d'une scene de danse pour un Bollywood : une jeune femme vetue d'un debardeur moulant et d'une jupette a franges danse devant un homme pour, visiblement, le faire tourner en bourrique. Au fond, une dizaine d'hommes miment l'attirance qu'ils ont pour cette femme. Nous sommes stupefaits par le violent contraste entre cette scene de cinema et la realite de ce pays ou croiser une fille en jean dans la rue est un evenement extra-terrestre. Plus tard, nous allons d'ailleurs au cinema pour voir Khatta Meeta, un film hindi. Au final, ce n'est pas une reussite pour nous, car nous n'y comprenons pas grand chose, et les personnages passent leur temps a vociferer- ca donne mal a la tete . Mais encore une fois, je me sens mal a l'aise, pour deux raisons qui n'ont rien a voir l'une avec l'autre. D'une part, le cinema est d'une immonde salete, le sol jonche de cannettes, de papiers, de sauces, de pop-corns. C'est effarant, dans ce pays ou la main d'oeuvre plus qu'abondante ne coute rien. Sans compter que trois sieges par rangee sont completement defonces. Je n'ai jamais vu ca ! D'autre part, c'est peut-etre le quatrieme Bollywood que nous voyons depuis que nous sommes en Inde (les autres passaient a la tele), et dasn celui-la comme dans les autres, il y a une scene de viol. Elle a beau n'etre que suggeree, elle fait partie integrante de l'action, comme un ingrdient indispensable.

Pour tout vous dire, quand nous prenons la route en direction de l'Himalaya, j'en viens a faire le voeu secret que les montagnes seront comme un nouveau pays, avec des gens differents. Cela fait un mois que je ne me sens pas dans mon element, ca commence a faire long !