Plus tard, après un pique-nique frugal, nous marchons vers une librairie que nous venons de repérer. Toute à la joie d’entrer dans la boutique, je franchis sans m’en rendre compte une piste cyclable sur laquelle, malheureusement, arrive un vélo. Perdu dans ses pensées, le cycliste ne me voit qu’à la dernière minute et freine au moment où sa roue me heurte la jambe. Plus de peur que de mal, mais je suis stupéfaite que, face à mes excuses, l’homme ne trouve rien de mieux à faire que vociférer ! Certes, j’étais dans mon tort, mais l’ayant reconnu par des excuses et étant dans l’affaire la seule personne lésée (oh, un bleu, tout au plus), je m’attendais à finir sur un sourire, fût-il contrit.
Nous prenons le train pour Athènes en fin d’après-midi, heureux de nous rapprocher peu à peu de notre point d’arrivée (ou de départ, selon comme on envisage les choses). Le train est confortable, bien éclairé, propre et, devant nous, un couple d’adolescents s’embrasse à pleine langue. A Athènes, nous aurions voulu continuer notre route directement jusqu’à Patras, mais nous arrivons encore une demi-heure trop tard. Dommage, cette succession de petits loupés, car nous aurions pu être dans le ferry pour l’Italie ce soir, mais il nous faudra à la place dormir à côté de la gare.
Le lendemain matin, nous profitons d’un buffet petit-déjeuner qui, enfin, nous réconcilie avec l’Europe, même si la télé et l’indifférence presque impolie de la serveuse pourraient encore nous donner matière à râler.Faute d’explications, nous ratons presque notre train pour Patras ! Le guichetier ne nous avait pas précisé qu’il y avait une correspondance… Les gens ne communiquent donc pas, ici ? Ah, si, ils se donnent des coups de coude quand ils voient un papa asiatique jouer avec son petit garçon : « Tching tchang, Jacky Chang ! », gloussent deux hommes derrière son dos. Pas besoin de parler grec pour comprendre…
Bref, nous essayons de ne pas déprimer et de profiter de la vue sur la mer, que le train longe de près. Il faut ensuite prendre un bus, car la voie de chemin de fer est en réfection. Le chauffeur conduit comme un dingue, ce qui ne choque personne. En fait, sur une route à double sens, les gens conduisent sur la bande d’arrêt d’urgence, pour laisser les plus rapides doubler. Du coup, la voie principale est réduite, et le bus n’hésite pas à doubler même si un autre véhicule se profile en face. Ça me donne un peu mal au cœur, mais heureusement, le conducteur a choisi une radio de chansons folkloriques délicieusement kitsch. A Patras, il fait froid, et de nombreux zonards errent à proximité des quais d’embarquement. Un Irakien nous aborde pour savoir si un ferry part pour l’Italie ce soir. Nous blaguons deux minutes avec un Sénégalais qui vend des parapluies. Ici, on est aux portes de l’Europe qui fait rêver l’Afrique… Nous restons au bord de l’eau un moment puis, quand nous commençons à avoir trop froid, nous entrons dans un petit restaurant familial où nous nous délectons de soupe de poisson et de pommes de terre. Les nappes à carreaux, la décoration vieillotte mais colorée et le large sourire de la patronne, nous remontent un peu le moral.
Au petit matin, à l’escale sur l’île de Corfou, quelques passagers supplémentaires montent à bord. Alors qu’il reste plein de places ailleurs, deux Allemands s’installent juste en face de nous, probablement parce que ces sièges correspondent aux numéros de leurs billets.
Ils sont discrets, mais l’odeur de leurs sandwiches au saucisson à l’ail, elle, ne l’est pas, et signe la fin de cette nuit trop courte. Jusqu’à l’arrivée à Venise, ils ne bougeront pas de leurs sièges, les bougres ! Quant à nous, nous refaisons le tour du bateau, Jérémie s’octroie un entraînement complet de karaté tandis que je bouquine, nous profitons d’une belle éclaircie pour admirer en plein air les côtes de la mer Adriatique. Nous passons aussi un bon moment avec Marie et Fanfan, qui nous montrent leur carnet de voyage bourré de photos et de collages. Comme ils ont un ordinateur et des films, nous improvisons un cinéma en posant l’ordinateur sur une poubelle, et on rigole bien en regardant L’Italien. La journée passe finalement plus vite que nous l’avions craint. Les camionneurs, quant à eux, se désennuient en jouant aux machines à sous.

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