lundi 15 mars 2010

Oiser a Oaxaca

Huit heures de bus, c'est penible, surtout quand le regard est irresistiblement attire vers un navet pas possible a la tele, du genre Iron Man. Mais quand on arrive a s'arracher a la malediction, c'est la magie du paysage qui reprend ses droits. Ainsi, pour aller a Oaxaca, des montagnes envahies de cactus hauts comme des arbres nous ont donne l'impression de traverser un immense decor de western...
A Oaxaca, on se sent tout de suite bien. Sur une place, des vendeurs de ballons baudruche disparaissent derriere Mickey, Shrek et Dora l'Exploratrice. Sur une autre, des vendeurs d'artisanat jouent aux attrape-touristes. Plus loin, le musee de photographie presente une superbe exposition (gratuite) de George Miller, un Americain qui a photographie le Mexique des annees 1960. Un soir, nous decouvrons un marche aux livres d'occasion. Le lendemain, des jeunes dansent le hip-hop sur un bout de trottoir. Le jour suivant encore, nous allons ecouter un concert de guitare et percussions dans le patio a l'air libre du musee d'art local. Au hasard de nos balades, nous decouvrons la bibliotheque ancienne de Oaxaca, installee dans l'ex-couvent franciscain. Si les vieux murs peints offrent un ecrin magnifique aux 24 000 volumes gardes sur les etageres, les dorures de l'eglise attenante sont tout bonnement a couper le souffle. Difficile de comprendre comment un decor aussi charge parvient malgre tout a etre si beau. La genealogie du Christ, sculptee sur la voute a l'entree, nous impressionne particulierement.

D'un seul coup, le sentiment de respirer dans une oasis nous fait prendre conscience du desert culturel que nous venons de traverser. Certes, il y a toujours eu des musees a visiter, des pans entiers d'histoire a decouvrir et des gens du livre a ecouter avec passion, mais il nous manquait (deja !) de ces moments joyeux, qui eclosent en coquelicots spontanes au detour d'une rue, sous l'impulsion d'artistes plus ou moins amateurs. C'est vrai aussi que, cales sur le rythme du soleil, nous n'etions pas souvent sortis le soir, avant Oaxaca.

Cela dit, meme si la ville nous a beaucoup plu, nous l'avons quittee a plusieurs reprises pour des escapades. Un matin, nous sommes partis en minibus pour la petite ville de Cuajimoloya, perchee a quelque 3500 metres, avec pour but de randonner jusqu'a Latuvi, 26 km plus loin. Le paysage vallonne, ou alternent bois de coniferes et champs cultives, ressemble incroyablement a l'Ardeche, a quelques details pres : des aloes veras hauts de plus de deux metres, des oiseaux au plumage bleu electrique, des zebus certes aussi placides que des vaches, mais affubles d'incroyables excroissances de chair (gorge et bosse). Nous ne croisons pas grand monde, et faisons probablement des detours imprevus, car le chemin, par endroits mal balise, se perd sous un epais tapis d'aiguilles de pin. Les hameaux que nous traversons semblent abandonnes, leurs habitants travaillent probablement aux champs dans la journee. La fin de la randonnee s'est faite sur une large route de foret qui, peu a peu privee de la lumiere du soleil, est restee bien lisible quand une demi-lune bien claire s'est levee. Marcher deux heures ainsi dans la nuit nous a procure une sensation de liberte et de bonheur intenses. Nos ombres se profilaient, incroyablement nettes, sur le chemin obscur, et les bruits de la foret devenaient plus mysterieux.

A l'arrivee a Latuvi, furieux de voir que payer 90 pesos (la moitie d'une chambre d'hotel !) ne donnait droit qu'a un minuscule triangle de pelouse pour planter la tente (et pas de sanitaires !), nous sommes ressortis du village pour faire du camping sauvage sur le bord d'un chemin. La nuit a ete fraiche, mais le lever de soleil radieux sur les montagnes. Au petit matin, apres avoir marche quelque temps le long de champs d'arbres fruitiers, tout en fleurs avec l'arrivee du printemps, nous avons fini par etre pris en stop dans la camionnette d'un couple de boulangers. On a fait le voyage debout, tetes aux vents (oui oui, au pluriel) par la bache defaite : le bonheur !

Avant de rentrer a Oaxaca ce jour-la, nous avons fait un detour par Tule, ou l'on peut voir un arbre deux fois millenaire, tout plisse de rides, deforme d'excroissances, peuple de "millions d'oiseaux" (sic). Lui aussi, le printemps le faisait bourgeonner. Je me suis sentie toute petite face a lui (voyez un peu sur la photo !).

Autre escapade, pour visiter le site archeologique de Monte Alban, ponctue de grands jacarandas au plus violet de leur floraison. Perche sur une colline bien degagee, le site domine les vallees alentours, dont celle de Xoxocotlan (on vous le dit, au cas ou la lettre X sorte dans votre prochaine partie de Petit Bac). Les pyramides et les temples, soit une dizaine de constructions, sont orientes Est-Ouest, tandis qu'un observatoire astronomique a la forme biscornue a une orientation complement differente, tres etonnante. On peut meme voir un terrain de pelota, ce jeu de ballon pratique par les Azteques seulement avec les epaules, les hanches et les cuisses. Jeremie aimerait bien remettre ce sport antique au gout du jour, alors avis aux amateurs ! Par ailleurs, des bas-reliefs bellement preserves montrent le sort reserve aux prisonniers de guerre : ils etaient tout simplement emascules (simple et efficace ?).Encore une belle escale, donc, qui s'est terminee autour d'un verre de mezcal, sorte de tequila artisanale produite dans le coin. Etape suivante, Mexico D.F., la capitale gigantesque...

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