mardi 11 mai 2010

Bali : ballot de balivernes

Le gros defaut de Bali, c'est le tourisme. Et il se voit comme le nez au milieu du visage. Si notre premiere journee fut si magique, c'est parce que Denpasar, la plus grande ville de l'ile, n'est pas prisee des etrangers. Juste au Sud, nous avons evite Kuta, ville touristique par excellence aux plages reputees, pour nous installer a Jimbaran, de l'autre cote de l'aeroport. Si les journees y sont tranquilles, les restaurants alignes sur la plage accueillent le soir des hordes de touristes, la plupart fraichement debarques en car. Orientee a l'Ouest, la longue bande de sable est un "spot sunset".

Au centre de l'ile, la petite ville (grand village ?) d'Ubud est une veritable cite coloniale. Les rues sont bondees de restaurants, hotels, masseurs, libraires (anglophones, francophones, hollandophone (on dit comment ?)...) distributeurs de monnaie, cafes, boutiques de maillots de bain et vetements luxueux, souvenirs en tous genres, galeries... En plein centre, la majeure partie du marche est consacree a al vente de souvenirs. Ici pas de peetites epiceries (warung en indonesien) pas de coiffeur, pas de reparateur de scooter, ni d'autres petits bouiboui sympathiques : la ville est par les blancs, pour les blancs. Les indonesiens anglophones qui travaillent dans les hotels et restaurants sont aux petits soins des clients. Ceux qui n’ont pas cette chance sont souvent assis dans la rue et proposent “taxi, taxi” a chaque fois qu’on passe. Certains ont fabrique de petits panneaux “do you need a taxi ?” qu’ils brandissent sur le chemin. D’autres tentent de conjurer nos refus de “maybe tomorrow”, tres polis mais depourvus de sens quand on nous pose la question tous les 10m.

Les occidentaux, on cherche a les eviter, mais on s’y retrouve immanquablement confrontes. Parfois individuellement, comme le patron de la librairie francophone RendezVousDoux, a qui on demande ou trouver le Petit Prince en balinais, qui nous traite avec un mepris incroyable et nous renvoie piteusement sur la librairie...anglophone ! Pas l’indonesienne ! Ce type est un colon, c’est tout. Aussi les touristes, comme a l’unique bouiboui que nous aillons pu denicher (on mange le nasi goreng a 1500 roupies, presque le double des 8000 de Denpasar, mais nettement moins que les plats des restaurants huppes). Deja en arrivant, il me salue avant de saluer le patron, et puis la phrase “ca va, ca se mange ?” et il s’en va. Coq francais qui chante les deux pieds dans la bouse, plus meprisable que le meprise. Au plan d’eau de Taman Ayun, c’est un ardennois blase qui demande ce que je photographie. Je lui montre poliment les feuilles de nenuphar vertes, oranges et violettes (les trois couleurs secondaires !) qui couvrent la surface de l’eau : “bah, les fleurs sont fannees”. Puis en rentrant dans le temple : “ah, on en a visite des temples”, l’air de dire “il n’y a rien d’autre ici”, avant de se plaindre du prix du chauffeur. Le long de la route, durant nos balades a scooter, on decouvre des groupes venus s’eclater massivement pour pas cher. Au bord de la mer, un groupe d’une trentaine de plongeurs en combi, peindards, clope au bec, alors que des mamies indonesiennes portent leurs bouteilles d’oxygenes deux par deux, soit vingt kilos sur la tete. Ya bon bamboula ! A d’autres endroits, on peut faire du rafting au milieu des rizieres ou travaillent les “locaux” : genial de marier depaysement et sensations fortes ! Finalement, ceux qui nous ecoeurent le moins ce sont ceux qui s’installent a Bali comme capitale du New Age, ou tout est bon a pratiquer : yoga, zen, falun gong, meditation, massages en tous genres, ouverure des chakras... Il y en a pour tous les gouts. C’est un peu la marque de fabrique de l’ile, et tant pis si paradoxalement ce bijou de la vie sociale, ou la vie prend son sens par la communaute, au rythme des ceremonies, est devenu le temple du developement personnel. C’est pas grave, on est tous pour le bien de la planete, pas vous ?

Mais le plus triste avec le tourisme de masse, ce sont les consequences dans les rapports humains. Les transports a Bali sont assez compliques : il y a tres peu de bus, et les destinations sont ecrites en tout petit quand elles le spont. Le moyen de transport le plus populaire des balinais (apres le scooter), c’est le “bemo”, c’est a dire le minibus qui roule lentement et prend les gens au bord de la route. Il faut un petit temps pour apprendre a les distinguer d’un vehicule particulier. Quant au prix, impossible de savoir. Ou plutot on ne sait qu’une chose, c’est qu’on se fait systematiquement arnaquer. On n’a jamais vu uyn balinais payer plus de 5000 roupies, mais nous, c’etait 20000, ou 50000, voire meme 100000 au debut, quand on n’avait aucune idee. C’est penible, mais ca reste tellement moins cher que les shuttles touristiques. Pour le trajet Ubud-Amalapura, le transport de blancs part deux fois par jour, pour 100000 roupies par personne. En bemo, comme des bleus, c’est a dire que le chauffeur fait l’affaire de la semaine, on a paye 70000 a deux, soit 3 fois moins cher. On pense maintenant que des balinais auraient fait le trajet pour 15000 roupies environ. On avait bien ete sujets a quelques astuces et arnaques en Amerique Latine, mais pas des prix absurdes comme ici. Pour faire une comparaison, imaginez des americains payer 150 euros le trajet Aix Marseille, ou prendre un TGV Paris Lyon pour 800 euros. Forcement, cela aiguise les appetits et pourrit rellement les relations humaines.Le mensonge est devenu une seconde nature. A notre hotel a Ubud, 4 personnes differentes nous ont dit qu’il n’y avait pas de bemo apres 14h, que le trajet prendrait une journee. Au final, une heure de trajet sans attenre, pour un prix bien meilleur que le shuttle.

Un des pires moment fut l’ascension du volcan Batur. Au depart du sentier, des dizaines de guides. Ils disent que pour monter, il faut payer un guide 300000 roupies (a titre comparatif, jamais nous n’avons paye aussi cher un hotel !) On dit qu’on ne les croit pas, qu’on veut monter seuls. Ils disent que c’est interdit. On part un peu plus loin en scooter, et on decouvre un autre depart de sentier, sans personne. On commence a grimper, et on croise encore plusieurs guides (qui redescendetn avec leurs touristes de bonne heure, car le volcan donne sur la mer a l’Est, c’est donc un “spot sunrise”) qui nous fusillent du regard, l’air de truands. L’un d’eux nous dit que c’est interdit, qu’il va aller chercher d’autres guides pour nous empecher de monter. On continue, on tergiverse, on fait demi-tour. En repartant, on se dit que c’est trop bete, qu’on va pas laisser ces rapaces nous priver de montagne pour des prix trop eleves pour etre honnetes. On monte seuls. C’est magique. On apprendra plus tard que c’etait bel et bien autorise. C’est le genre de moment ou s’il on est certes fiers de n’avoir pas cede, on a quand meme du beaucoup lutter, contre des gens vraiment malhonnetes, ce qui pompe de l’energie.

C’est au temple de Besakih qu’on s’est fait avoir. A l’entree, un homme habille d’un uniforme nous dit qu’il y a une ceremonie aujourd’hui, qu’il faut un guide. On ne veut pas faire de rafus, et puis c’est un temple, on est respectueux. On paye le guide, et on realise qu’il n’y a aucune ceremonie. C’etait certes interessant (quoique pas indispensable), mais encore un mensonge, cette fois dans le lieu le plus sacre de l’Indonesie hindoue. Bravo !

On ne va pas egrainer tous nos deboires et problemes de negociations, mais on tenait a vous montrer cette face la de Bali. Ce n’est pas la premiere fois qu’on remarque des arnaques pour touristes, mais la ou les guatemalteques (deja penibles) doublaient les prix, les balinais les multiplient par dix ou vingt, sans scrupules. Cela rend la vie quotidienne tres penible, car on doit sans cesse etre sur le qui-vive, et on finit par se mefier de tous nos interlocuteurs, alors que beaucoup sont adorables, et evidement honnetes. Difficile de trancher entre la sympathie gratuite, le plaisir de rencontrer quelqu’un qui vient de loin, les sourires, rires, quelques mots echanges quand on peut, magie qui touyche le coeur, et l’hypocrisie polie : “hello” “what’s your name” “where do you comme from” “buy my paintings”. Les deux faces d’une meme ile, qui reussit le tour de force d’etre un des lieux qu’on prefere, et un de ceux qu’on aime le moins.

2 commentaires:

  1. Dabord merci d'avoir cherché (sans trouver!) le petit prince! Vous êtes adorables et en plus avec vos tête de mouches c'est trop fort!!
    Sur bali, sentiment métigé:oui ca donne envie d'y aller et puis quand j'étais pitite j'ai lu et relue une bd de yoko tsuno qui se passait là bas du coup j'en ai révé maintes et maintes fois!
    Mais jaime pas ce rapport tout faussé par l'argent. Je m'étais dis pareil au maroc ou j'ai rencontré des gens merveilleux et d'autres qui ont juste fait semblant de l'être... on est tous fait de paradoxe mais celuilà il est grave chiant!

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  2. Tout à fait d'accord avec ce récit. pour nous ce fut la même galère et un des pires endroits d'Asie avec le Laos. Que cera cette île dans quelques années ? Je peine à l'imaginer !

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