Heureusement, contrairement a Khartoum ou les immeubles et l'asphalte n'en finissent pas de renvoyer la nuit la chaleur emmagasinnee le jour, la fraicheur descend vite a Karima. Des la fin de l'apres-midi, quand le soleil cogne moins durement, on sent que le fond de l'air n'est pas si desagreable, surtout quand une brise legere se leve. On prend deux grandes bouteilles d'eau, et on part visiter le site de Jebel Barkal. Les gardiens discutent un peu, puis nous laissent aller voir le site avant de payer, car le responsable n'est pas encore la. "Jebel" signifie "montagne" en arabe, et si le mot peut paraitre exagere quand on pense a l'Himalaya, le site n'en est aps moins spectaculaire. On comprend qu'elle soit "Barakal", c'est a dire "sacree". Elle est entouree de falaise aux 3/4, et un piton rocheux s'en detache legerement, dresse, fascinant, tel un cobra pret a bondir.
C'est juste a l'Est de la colline qu'etaient batis les temples d'Amon et Tut. Les ruines sont chargees d'emotion, car elles sont tres peu rebaties, et sont
Elles ne sont pas bien grandes, mais il y en a 5 rapprochees et 3 autres un peu plus loin. Surtout, on les a pour nous tous seuls, dans le desert, avec le soleil rougeoyant qui descend. On termine notre belle excursion en grimpant au sommet de Jebel Barkal. Le soleil passe sous l'horizon, le Nil, borde de dattiers et de plantations, coule du Nord vers le Sud, la ville de Karima s'eclaire lentement, les enfants finissent leur partie de foot, et nous planons, quelque part entre ciel et terre. Une sacree montagne !
Le site d'El Kuru n'est pas desservi par les minibus, car aujourd'hui, c'est vendredi matin. On prend un taxi. Le chauffeur est peu bavard, mais il conduit lentement de sorte qu'on peut admirer les canyons du desert, ou les vertes plantations selon qu'on est eloignes ou proche du Nil. Sur place, le gardien nous fait descendre dans deux voutes peintes. De nombreux dieux sont presents, qui a tete de faucon, qui a tete d'ibis, ou de fennec, ou meme de crocodile. Sur le mur oppose, une servante fait respirer a la reine, allongee sur le ventre, une fleur de lotus afin qu'elle revive dans l'autre monde. Ici aussi, le ciel etoile est presque intact. A peine deretour, on saute dans le minibus pour Dongola. L'air du desert est si chaud qu'il ne vaut mieux pas ouvrir la fenetre en grand. En 200km, on croise deux maisons, au pied d'antennes de telecommunication. Le desert dans toute sa splendeur, qu'on est heureux de traverser a 100km/h.
Dongola est une ville paisible, ou morne, question de point de vue. On y trouve un hotel climatise, et on passe deux jours a dormir et regarder latele (assez hallucinant de voir le Diable s'habille en Prada depuis une ville soudanaise !) On fait de belles rencontres, comme Solayman, un papy qu'on croise un soir dans les champs pres du Nil. Il nous explique qu'il vaut mieux avoir une seule femme. Lui en a 4 et doit tout payer 4 fois : vetements, chaussures... Incroyable tout ce qu'on peut raconter sans qu'il parle anglais, ni nous arabe ! Plus loin, un berger qui rentre ses chevres sollicite notre aide pour leur bloquer un passage.
On rencontre aussi Amin, un guide au francais impeccable, qui nous fait visiter le salon de l'agriculture de Dongola. Lui et son ami Abdel Kader peuvent tout organiser dans une region qu'ils connaissent tres bien : tour en dromadaire dans le desert, circuit en Jeep pour voir des sites archeologiques, reservation d'hotel... On n'a besoin de rien de tout ca, alors on boit le the, et on mange un plat de poisson exquis.
Apres deux jours de tele-clim, l'arrivee a Kerma nous replonge dans la realite soudanaise. Un hotel minable ou on se lave au baquet, mais ou le gerant nous fournit la seule chambre privee avec ventilateur. On mange pres du souq, un plat de ful delicieux, qu'on accompagne d'un poulet epice divin, et le patron nous offre meme un plat de viande de boeuf, pour nous faire gouter. Les repas soudanais sont si copieux, qu'on n'en fait que deux par jour ! On visite le site de Defufa, seuls encore une fois, sur cette drole de structure en briques : comme un pave geant qui surplombe une ville dont les archeologues ont reconstitue le plan. C'est le plus vieux batiment connu aussi au Sud en Afrique. Il y a une telle etrangete de ces civilisations qu'on peine a les imaginer. Au retour, on marche un peu car les minibus pour Kerma sont pleins. Tout le monde nous salue, et il y en a du monde, car la nuit tombe, et chaque famille sort boire le the sur le pas de la porte, tandis que les gamins jouent au ballon, ou font des courses en velo.
Le lendemain, on prend le petit dejeuner, on boit du the, on discute avec les gens du coin, on les prend en photos, le tout pour attendre que se remplisse le minibus pour Abri. Apres 3 bonnes heures, on decolle enfin. Encore 3h de route, et nous voila a Abri. On demande le bus pour Wadi Halfa, et le responsable du bureau a juste le temps de nous faire une bonne blague avec une fausse glace dont la boule nous saute a la figure, avant de nous faire monter dans un pick-up, qui rejoint la route principale ou nous attend un grand bus climatise. Plus que 2h de route a la fraiche, mais dans le vacarme assourdissant d'un film arabe ou tout le monde s'engueule avec tout le monde, et nous voila a Wadi Halfa, alias" bout du monde land".
On revoit beaucoup de gringos pour la premiere fois depuis Dar Es Salaam. Ca nous fait drole, alors on se refugie en haut de la colline, pour surplomber la ville et le lac Nasser. Coincee entre les eaux du lac et un desert infini (rien a moins de 200km) la ville de Wadi Halfa voit le mardi soir son seul jour d'activite, car les passagers du ferry hebdomadaire arrivent du Sud ou d'Egypte, et se croisent avant de repartir le lendemain. Deux egyptiens, Moasrin et Nassr nous inviotent a prendre le the. On les retrouve le lendemain sur le bateau, ainsi que Foad, qui rentre a Ismailia apres avoir travaille au Soudan. Les 3 sont heureux de retrouver leur pays. On discute du mieux qu'on peut, ce qui fait passer les longues heures du trajet.
A la tombee de la nuit, on realise que le bateau a coupe les moteurs, et derive. On comprend que c'est l'heure ou l'equipage fait sa priere. Ils sont fous ces musulmans ! D'ailleurs, a 4h du matin, le muezzin (ou plutot son enregistrement) hurle au haut-parleur et plein de gens montent sur le pont faire la priere, tournes vers le Nord-Est. C'est aussi ca, le rythme de vue du Soudan, ou nous avons souvent vu des dizaines de personnes prier ensemble dans la rue, bloquant parfois la circulation. Mais soyons clairs, les jeunes egyptiens qui nous accompagnaient trouvaient aussi cela completement dingue. Et puis on se rendort, pour finir une nuit ou nous avions deja ete reveilles par nos amis, pour admirer les fantastiques statues d'Abu Simbel, aux portes Sud de l'Egypte. Vision rapide et eloignee dans la nuit : 4 statues majestueuses, eclairees par des projecteurs, tandis que nous replongeons dans la nuit. Nous voila en Egypte.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire