lundi 16 août 2010

La remontee du Gange

Nous poursuivons la remontee du Gange apres Varanasi. L'etape suivante est le hameau de Khajuraho, celebre pour ses temples erotiques. Nous sommes ravis de trouver la tranquilite de l'hotel Green House, qui porte bien son nom. A l'ecart a 500m du centre, le jardin est immense. On prend le petit-dejeuner a l'ombre d'un arbre. On observe les oiseaux : certains ont le bec jaune et l'oeil vif. On surnomme un autre "cul rouge" en reference a la jolie touche coloree sur son posterieur. Le soir, en dinant au meme endroit, nous aurons la chance de voir trois chouettes de pres, et pendant un bon moment : le temps que le diner soit pret !

Le site de Khajuraho est impressionnant. Cinq temples, disons de la taille d'une petite eglise, sont entierement sculptes. En face du premier, on grimpe quelques marches qui menent a une sculpture de sanglier ou de phacochere de 2m de diametre, elle aussi entierement sculptee de personnages. Puis on fait le tour du temple, en suivant les bas-reliefs de l'exterieur. Les premieres scenes depeignent des parties de jambes en l'air (litteral) bien choisie, a deux, trois, voire meme plus si on compte les assistant(e)s qui permettent de tenir des positions plus qu'acrobatiques. Il y a aussi beaucoup de scenes plus classiques : danseurs, rois, guerriers, elephants... Sur l'esplanade, on fait de nouveau le tour du temple, et les sculptures sont cette fois en volume. Le travail est somptueux. Les femmes sont d'un erotisme incroyable : des hanches et des seins a faire abjurer un pape. Il y a bien quelques personnages fantastiques hindous, comme des dieux a tete de vache, mnais une fois n'est pas coutume, on prefere les simples mortel(le)s, engonces dans les plaisir de la chaire. Sachez quand meme que ces sculptures ont ete probablement faites avec la vocation de rappeller que les plaisirs terrestres ne sont rien en comparaison de ceux qu'on s'offre au ciel (qu'est ce que ce doit etre ?)

L'interieur des temples est mopins fascinant, surtout parce qu'il manque de lumiere, mais c'est un bon abris pour laisser passer l'orage de mousson. Sous notre ombrelle devenue parapluie, on passera encore deux heures a deambuler autour de ces merveilles, avoir voler le spapillons, et gambader les grands singes bruns a longue queus, qui sautent par dessus les haies avec une sacree habilete.

Nous sommes en train de diner la nuit a peine tombee quand une voix s'adresse a nous. Notre voisin de table (il y a deux tables) commence a discuter. De nuit a contre jour, on voit quand meme son sourire. Satish est un homme extraordinaire. Il commence par des banalites, comme son amour du chapati, le pain indien, puis nous raconte sa vie. Il est guide touristique pour japonais : son client loge a un hotel 5 etoiles voisin, lui au Green House, comme nous. Je lui demande comment il en est arrive la, et son histoire vire aux aveux. Il n'a sans doute pas raconte ca a beaucoup de gens, mais ce soir il voulait parler, meme si l'anglais n'est pas sa meilleure langue. Longtemps, il a ete misereux : il vendait des legumes, a ete balayeur, cireur de chaussures... Il est passe par tous les boulots a la con, luttant pour nourrir sa femme et ses trois enfants. Un jour, un japonais lui a propose de lui apprendre sa langue, et en trois mois, il la parlait parfaitement. Ce don a change sa vie, et maintenant, il travaille pour une agence basee au Japon, et s'est fait beaucoup d'amis japonais pendant leurs sejours. Ce qui est incroyable, c'est que plutot que d'etre fier de lui, il a honte. Honte d'etre ne en bas de l'echelle. Son ascenssion sociale ne semble pas compter pour lui. Pour nous, cet homme est fantastique, et apprendre le japonais en trois mois est un exploit remarquable. Nous nous quittons pleins d'emotions, embrassades et photos souvenir. Nous lui disons d'etre fier de lui, j'espere qu'il le sera.

On aurait aime rester un peu plus a Khajuraho, ne serait-ce que pour profiter du calmne de notre jardin, mais les apres-midi sont insupportables, et le ventilo de la chambre ne fonctionne pas, car il n'y a pas d'electricite aux heures chaudes. Du coup, on a file en bus a Gwalior. Le trajet a travers la campagne indienne a ete agreable quand le bus roulait, moins aux arrets interminables ou la taule chauffe au soleil. Les villages animes des etales et boutiques, les champs de riz infinis, les ponts au dessus d'immenses fleuves encore trop secs, une serie de batiments en hauteur sur des collines ou rochers (peut etre un systeme pour transmettre les messages par feu la nuit ou fumee le jour pour un royaume antique ?), l'autoroute en construction, les petits vendeurs de cacahuetes la ou le bus s'arrete... Comme toujours, voyager en Inde est un spectacle.

A Gwalior, nous visitons le fort. La balade est tellement longue que nous n'avons pas le courage ni l'interet de faire un tour en ville. Encore un lieu tres impressionnant. Il s'agit d'une colline entouree de falaises en haut desquelles ont ete baties d'immenses murailles en pierre rouge. Deux acces : nous arrivons par derriere. Le rickshaw, tricylce a moteur qu'on appellait tuk-tuk en Thailande, s'arrete au portail, et on continue a pieds. Dans les falaises sont sculptes des bouddhas magnifiques, de toutes tailles jusqu'a 10m de haut. Dommage que leurs visages aient ete brises, sans doute par quelque conquerant abruti. La vue sur la plaine et la ville est somptueuse, puis on s'approche du palais principal.

On a bien fait de prendre un guide, sans qui on n'aurait pas aprecie la visite des souterrains. Le systeme de ventilation est admirable, et la salle octogonale des huit epouses du sultan, ou elles avaient chacune leur balancoire, est a temperature agreable, si bien que des dizaines de chauve-souri s'y sont etablies. La neuvieme epouse ne logeait pas avec elles. Plus jeune, elle avait ete rencontree par le sultan dans un village voisin, ou il venait chasser. Amoureux, il lui demanda de l'epouser, ce qu'elle fit apres qu'il eut accepter trois conditions : qu'elle ait son propre palais, que l'eau qu'elle utilise soit amenee de son village, et qu'elle accompagne le roi a chque fois qu'il allait chasser. Imaginez a quel point les huit autres epouses devaient etre vertes de jalousie !

On parle ici d'epoques incroyables, d'un faste demesure. Il y avait plus d'un millier de femmes qui apportaient l'eau du bain de rose des huit epouses. Mais cela n'a pas dure, le fort a ete conqui par les Mogols qui en firent une prison. Un prince oublie, Aurangzeb, y fit mourir son frere Murad, empoisonne a l'opium. Puis le fort passa de mains en mains jusqu'au temps des britanniques. Aujourd'hui, les lieux sont a l'abandon, et les promeneurs semblent tuer le temps entre ses palais en ruines, ou au moins le vent souffle sa brise rafraichissante.

Le trajet pour Agra ne fut pas de tout repos. Nous savions qu'il y avait un train a 17h, alors on arrive a la gare a 16h30. Faire la queue au guichet n'est pas une sinecure. Il y a toujours des gens qui grugent, et ceux qui respectent la file se tassent les uns contre les autres. On a compris qu'il ne faut pas hesiter a engueuler les tricheurs, voire a leur mettre des coups de genoux bien sentis quand on ne peut pas les faire lacher. Reaction typiquement indienne, le guichetier se fout de ces problemes, et est capable de servir un type completement contorsionne pour passer devant les clients arrives avant, a croire qu'il prend du plaisir a voir galerer les gens. Evidement, le premier guichet n'est pas le bon, alors rebelote a un autre endroit, encore pire. Enfin, on arrive a avoir nos billets. On galere un peu pour trouver le quai (drole, tous le sindiens parlent anglais pour vendre quelque chose ou mendier, aucun pour donner des renseignements) et on trouve un train rempli a ras bord. Je pousse Magali un peu stressee a bord d'un des wagons, et j'arrive a grimper apres pendant que le train demarre.

La premiere partie du trajet est sympa. On est tasses comme des sardines en boite, mais je prends des photos de la scene, et des gens autour de moi, tous heureux de se voir dans le petit ecran de l'appareil. Un des passagers qui s'est installe allonge sur les porte bagages (la meilleure place) se leve et fait le pitre au dessus de la foule. Je le prend en photo, il nous prend en photo, tout le monde rit. C'est a l'arret intermediaire que les choses ont empires. Je croyais qu'il etait impossible de faire rentrer une personne de plus, mais une douzaine parviennent a monter. On ne respire plus, on ne voit plus le soleil, on attend que ca passe. Les voisins de gauche, des adolescents attardes, font un concours de pets. Heureusement a droite, un jeune homme laisse une place assise (sur un sac de riz) a Magali. Il nous explique qu'il a une soeur, alors il prend soin des filles. On ne sait pas vraiment comment on a reussi a descendre du train a Agra, mais on etait trop heureux de pouvoir bouger, respirer et rigoler un bon coup. Le train repart aussi rempli. Il faut dire que ce n'est pas un jour ordinaire, c'est parce qu'il y a un pelerinage pour Krishna a la ville voisine de Mathura ce week end.

La salete de Varanasi, les pannes de courant de Khajuraho, l'hotel miteux de Gwalior... On a l'impression de fuir en remontant le Gange. A Agra, on a la chance de trouver une tre belle chambre, avec un lit de marbre, la clim, une salle de bain propre et meme des decorations aux murs ! On y restera deux jours, a juste sortir pour manger et visiter l'incontournable Taj Mahal.

En fait, vous connaissez deja, c'est un bijou architectural, et les jardins autour permettent de l'aprecier tranquillement. Il y a beaucoup d'oiseaux car le Gange est tout proche, et puis c'est un regal des yeux. C'est drole, il s'agit presque de beaute mathematique, tant on sent l'equilibre des proportions. Un seul regret, mais on le savait aussi, le plus beau batiment d'Inde, et peut etre d'Asie, n'est finalement qu'un tombeau. Y manquent le rire, le jeu, la danse !

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