mardi 21 septembre 2010

En slibard a Zanzibar

Apres notre memorable soiree de l'Eid, on prend nos sac-a-dos, et on part a la station de dala-dala, ces vehicules qui s'appellaient song theaw en Thailande, et qui sont constitues de deux bancs paralleles a l'arriere d'un grand pick-up couvert. Les sacs sont sur le toit, et nous tasses en rangs d'onions. Les passagers qui montent en cours de route s'accroupissent au milieu. On a compte jusqu'a 50 personnes a un moment, dans une densite maximisee, ou les sacs de tomates ou cages a poule (avec les poules dedans bien sur) se glissent ou ils peuvent, et les enfants s'installent sur les genoux libres. Au moins, on est au vent, et puis ca avance assez vite. Nous voila a Matmwe, petit village sur la cote Nord-Est de Zanzibar, destination conseillee par les amis de l'Alliance Francaise a Dar Es Salaam.

Comme a notre habitude, on va voir le premier hotel venu. On y decouvre des jardins somptueux, une piscine avec des matelas pour se prelasser au soleil, une reception gigantesque et un bar aux bouteilles colorees. La nuit coute 80 $us par personne. On a l'habitude de vivre 3 jours a deux avec une telle somme ! On demande un hotel moins cher et ils nous indiquent un hotel voisin accessible par la plage. C'est la qu'on decouvre de vieilles europeennes trop grasses, qui se prelassent en maillot de bain au soleil. L'autre hotel est moins cher : 60 $us par personne et par nuit. Le responsable nous propose sa chambre personnelle pour 20 $us par nuit par personne. Elle est miteuse, les toilettes dehors, la douche des employes a l'autre bout du complexe. Il descend jusqu'a 25 $us la nuit a deux si l'on reste 4 jours, preuve que 100 $us dans sa poche lui feraient rudement plaisir. Mais il est hors de question de supporter cette ambiance pourrie. La aussi, de vieux europeens (certains sont physiquement jeunes, mais deja vieux dans leurs gouts) se vautrent, trop gras derriere leur ordinateur. On apprend qu'il y a les "Mohamed bungalows" un peu plus loin, et le nom nous semble familier, sans doute parce qu'on l'a entendu a l'Alliance. Alors on remonte la plage.

En chemin, pour s'assurer qu'on n'a pas depasse notre destination, on entre dans ce qu'on croit etre un hotel, mais s'avere une residence privee, deux blonds a la piscine. A travers la baie vitree ouverte du salon, une jeune femme noire nous renseigne. Le desordre le plus total reigne dans la maison, jusqu'a une couche usee posee par terre. On comprend que ca ne gene pas les maitres blancs : bamboula fera le menage. Comme ils ne connaissent pas Mohamed, on essaye chez les voisins. Un francais (encore trop gras !) nous renseigne mal en disant qu'il n'y a rien a moins de "60 dol" par personne, et nous demande si nous avons vu la maison de Freddy Mercury a Stone Town. On lui dit qu'on ne savait pas. Il nous dit qu'on devrait lire notre Routard. On lui dit qu'on n'utilise pas de guide, on n'en a pas besoin. La preuve, on a appris sans guide que Freddy Mercury etait originaire de Stone Town. On prend conge, et de retour sur la plage on se dit qu'il n'a pas tout compris. Ce qui est chouette chez Freddy Mercury, ce sont ses chansons, aps sa maison. On convient quand meme que dasn un diner chic a Neuilly, un "nous avons visite la maison de Freddy Mercury a Stone Town; il est ne la-bas, vous saviez ?" ca doit procurer a celui qui le profere le delicieux sentiment de lire dans les yeux de son interl;ocuteur un melange detonant de honte de l'ignorance (bah non, vous saviez pas) et la jalousie de l'exotisme. On se dit que c'est un bouffon, et on ramasse un coquillage pointu sur la plage.

On decouvrira un peu plus tard la realite du village de Matemwe. Les gens vivent de la peche, que les hommes pratiquent depuis de petits voiliers avec double balancier, ou au harpon a la nage. L'eau est puisee au puit avec des seaux. Il n'y a pas d'electricite. Les enfants portent des habits uses et jouent sans jouets dans la poussiere que soulevent les occasionnels taxis climatises qui transportent des mzungu (etrangers). Il y a 5 hotels avec 10 clients par jour qui depensent chacun 100 $us par jour. Ce sont 5000 $us par jour, 150000 $us par mois, 1800000 $us par an qui arrivent sur le village...qui n'a ni electricite, ni route goudronnee, ni meme pompe a eau pour le puit. L'ecart entre des populations parmis les plus pauvres que nous ayons vues depuis le debut du voyage, et un tourisme des plus luxueux, est ecoeurant. La redistribution des richesses est inexistante. Tout le benefice va aux proprietaires des hotels, eux aussi etrangers. Les habitants du coin ne ramassent que des miettes, comme l'organisation de tours de snorkle. On y reviendra.

Mais revenons a nos moutons : nous. On trouve les bungalows et Mohamed et son sourire radieux. Le jardin de sable est simple mais tres fleuri. Le cabanon est sobre mais propre, et la moustiquaire tres bien installee. On negocie 50000 Tshillings, soit 33 $us la nuit pour deux. Les repas ne sont pas donnes, mais quel regal ! Langouste, poulp, poisson a la coco, clalmars grilles sont divins. Les portions sont surabondantes, et assorties de riz ou frites dont Magali dira heberluee : "elles sont encore meilleures que celles de mama !" (Oui Cathy, on a hate que tu nous prouves le contraire !)

L'endroit est parfait pour relaxer, d'autant plus que nous sommes seuls occupants le premier jour, avec les enfants et nieces de Mohamed qui sont la en vacance apres l'Eid. Parties d'awale, television, course-pursuite sur la plage... La bonne humeur des enfants resplendit sur nous. Il faut dire que les lieux sont merveilleux. La plage est un espace infini, rythme seulement par les cocotiers cote terre, et les bateaux en bois cote eau. A 100m au large, le recif forme une barriere qui protege des vagues. A maree haute, on peut se baigner. A maree basse, on peut se promener. Repos donc, avec au menu ecriture, lecture, yoga, footing, karate. Quand je fais mes katas sur la plage, une bande de jeunes garcons commencent a m'imiter. Quelques uns se debrouillent bien, d'autres essayent de se moquer de moi, mais n'en menent pas large quand je me retourne en lancant mon kiai ("cri qui tue"). Les adultes aussi sont interesses, mais regardent de loin avant de passer leur chemin.

Un matin a maree basse, nous enfilons nos maillots de bain pour nous baigner, nos chaussures pour nous proteger des oursins, et nos tshirt pour nous proteger du soleil, et nous partons en direction du recif, armes de notre masque et notre tuba. On traverse d'abord une pelouse d'algues, puis on arrive pres de coraux. Le terrain est peu evident, nous avons de l'eau jusqu'a mi-cuisse, et il faut se mefier des oursins, immobiles mais tres nombreux. Tout autour de nous : le bleu turquoise, tachete de noir ousrin et de rouge corail. Avec le masque, on observe de jolis poissons blancs zebres de noir. Plus loin, un banc de poissons vert d'eau. Ici un gros rouge cuivre. Des etoiles de mer aussi, rouges, bleues ou noires. Clou du spectacle : un hippocampe couleur sable se glisse entre deux massifs de corail rouge. Le vent souffle, et le ciel s'est couvert, donc on a un peu froid avec l'eau qui seche sur nos maillots.

Un peu avant d'arriver au recif, on croise Tano, un pecheur avec ses palmes, son harpon, un grand couteau et cinq prises enormes. Il dit qu'il a vu des dauphins au large ce matin, et qu'en pleine mer, il y a des poissons vraiment gros ! On arrive enfin au recif. Paysage stupefiant, quasiement plat ne seraient-ce les pierres ici et la, et d'un vert tendre de jolies algues. De petits crabes en pagaille s'y promenent. Puis on rentre, en voyant petit a petit grandir les cocottiers de la plage au fur et a mesure que nous approchons du dejeuner.
De retour a l'hotel, Mohamed nous explique que les piquets que nous avons vus dans la baie servent a attacher des cordes sur lesquelles les femmes font pousser et recoltent des algues rouges. Elles sont ensuite sechees, puis vendues a des compagnies japonaises, qui les utilisent pour l'agroalimentaire et les cosmetiques. Il nous apprend aussi que le recif est un lioeu parfait pour la peche aux poulpes, que seuls pratiquent des specialistes, car il s'agit d'un animal tres malin, capable par exemple de bloquer le pecheur en lui nouant les mains avec ses tentacules. Nous le poulpe, on l'aime grille avec des frites !

Le lendemain, on part en bateau faire du snorkle pres d'une ile. Disons le tout de suite, les poissons du site etaient fantastiques. Il y en avait enormement, c'est a dire pour nous plus qu'au Belize ou aux iles Perhentiennes. On a vu de gros bancs de poissons jaunes, des anemones et des Nemo etranges, te meme une splendide murene blanche et noire tachetee (j'allais ecrire blanche tachetee de noir, mais Magali dit noire tachetee de blanc !) Impressionnant de la voir ouvrir grand la gueule, a demi sortie de sa cachette sous le corail.

Pour autant, la beaute du site ne suffisait pas a garantir une bonne matinee. Deja la mer est grosse, et Magali est un peu malade pendant l'approche. Ensuite, l'eau est franchement froide et il y a un fort courant. Le corail est en tres mauvais etat. Le materiel est defectueux. Un des masques fuit, un autre est pour enfant. Heureusement qu'au cas ou, nous avions pris le notre (qui n'est pourtant pas de grande qualite). Le guide annonce n'est en fait present que pour remonter l'ancre, puisqu'il y a deja un pilote pour le bateau. En matiere de guides d'ailleurs, ils ne nous demandent meme pas si ca va bien, ou si ca nous a plu quand on remonte sans aide a bord. Les fruits promis pour la petite fringale d'apres baignade ne sont pas la. Seules les epluchures de l'orange du pilote evoquent quelque chose de comestible.

Pire : alors que nous etions fatigues de nager contre le courant, on part se reposer sur la plage. On s'asseoit tranquillement, les pieds encore mouilles par les vagues. Immediatement arrive un mec au regard mauvais. Avant de dire bonjour, il nous engueule et essaye de piquer nos palmes. On comprend quand il dit que l'ile est privee qu'on n'a pas le droit d'etre la. Incroyable que nos "guides" ne nous aient pas prevenu. Encore plus incroyable l'agressivite dont il fait preuve, alors que nous somme sjuste assis a souffler. Il dit qu'il va appeller la police, et qu'on va aller en prison. Ca nous fait rigoler, mais plutot jaune pour l'embeter que sincerement. Quand on pense qu'aux iles Perhentiennes pour le meme prix de 15 euros par personne (30000 T.shillings), on avait vu 4 spots, une tortue, des requins, des coraux fantastioques et un recif en "haute" mer pres d'un phare, avec un jeune guide adorable, souriant et enthousiaste.

On comprend qu'ici, le blanc n'est percu que comme une vache a lait qui va aligner les biffetons. Avec la peche, il leur faudrait deux semaines pour gagner autant, et ils n'ont rien fait d'autre que piloter le bateau et dormir au soleil. On raconte tout cela a Mohamed en rentrant. Il en prend note, visiblement gene. Zanzibar laisse un gout amer dans la bouche, d'autant plus que nous n'avons pourtant pas lesine sur les moyens. Seule l'Australie nous a vu depenser quotidiennement plus qu'ici. Meme Singapour n'etait pas aussi cher !

Mais concluons sur une note joyeuse, et les belles rencontres de nos voisins voyageurs. Un policier allemand de Freiburg, Jens, a le sourire jusqu'aux oreilles. Il voyage un mois seul en Tanzanie, et raconte emerveille son safari au parc de Serengeti et au cratere de Ngorongoro. On rencontre aussi deux australiens qui remontent l'Afrique en moto. Ils nous apprennent que l'ambassade ethiopienne de Kampala, Ouganda, peut faire un visa pour nous autres francais. On commence a reflechir a changer nos plans.

1 commentaire:

  1. un petit bonjour à tous les 2 de la Vieille France! j'aime bcp vos derniers posts... changer vos plans?? alors? vous allez faire quoi? à la place de quoi?
    bises
    nelly

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