vendredi 20 novembre 2009

Quebrada de Humahuaca

Je suis le chien de l'Argentine du nord. Tout le monde me voit, sans que personne me connaisse vraiment. Les gens du coin m'ignorent, les voyageurs me fuient, mais quand j'ai decide d'avoir un peu de compagnie, je m'impose a eux. C'est ainsi que je les ai reperes, ces deux petits francais.


Jour 1. Ils sont arrives a Purmamarca en bus. Je sais comment ca marche, moi, j'en ai vu, du pays. Le bus les a depose a la croisee d'une route, seuls sous le soleil. Un remis (c'est comme ca qu'on appelle les taxis ici) s'est arrete pour les amener devant l'hotel le plus proche. Je les ai laisses tranquilles, les observant de loin avec mon flair de chien des montagnes. 2400m a Purmamarca, excusez du peu ! Ils ont commence par faire une sieste, fuyant comme beaucoup la chaleur de l'apres-midi. Puis je les ai vu partir sur le chemin qui entoure comme d'un collier blanc la colline aux 7 couleurs, el Cerro de los 7 Colores. Ils ont ri, et parle, et se sont emerveilles des degrades d'orange et de gris peints surles monts aux rides millenaires. Les cactus, grands deux fois comme eux, les etonnaient beaucoup. Et quand la nuit aux doigts de velours a enveloppe la vallee, ils ont pique-nique sous les etiles, pointant du doigt Orion, les nuages de Magellan et tant de constellations qu'ils ne connaissaient pas.

Jour 2. Au petit matin, je les ai vus grimper sur une colline ou, devant le Cerro de los 7 Colores, ils ont fait du Tai Chi en regardant le jour se lever. Depuis la place du village, couche pres d'un stand d'artisanat, je les sentais heureux et eblouis. Ce n'est que plus tard, quand ils sont sortis de l'hotel, charges de leurs sacs et qu'ils se sont assis pour attendre le bus, que je me suis presente a eux. J'avais pris la fiere allure d'un jeune boxer blond, et je les ai invites a me lancer une pierre que je leur rapportais. Ca les a fait bien rire. Comme beaucoup de touristes et pas mal de francais, ils sont alles plus au Nord, a Tilcara. Lorsqu'ils se sont installes pour pique-niquer sur la place du village, a cote du marche artisanal, j'ai ete irresistiblement attire par l'odeur de leur salame. Pour les amadouer, j'ai alors pris l'apparence d'un pauvre chien tout maigre, avec un cou tordu et des yeux malheureux. Avant de partir, ils m'ont laisse leurs peaux de saucisson, dont je me suis fait voler une partie par un chien plus costaud. Pendant que je me requinquais de cette metamorphose douloureuse, ils sont alles visiter le musee archeologique Casanova, ou tout chien erudit sait que l'on peut admirer des poteries peintes, des vases en forme de visage, des pointes de fleches et autres objets prehispaniques. Apres la sieste reglementaire, les voila qui ressortent de l'auberge et filent droit se regaler de glaces, dont l'une bleu tendre porte le nom de Crema del Cielo. Moi, pendant ce temps, je m'etais mue en beau batard chatain, croisement solide entre plusieurs races. J'avais dans l'idee de les escorter jusqu'a l'entree du sentier de randonnee qu'ils prendraient ensuite. Ils m'ont laisse faire, un brin mefiants, mais rassures de mon air tranquille. La marche jusqu'a la cascade "Garganta del Diablo", je les ai laisse la faire seuls. J'avais deja vu ces paysages secs et escarpes, et mes aines m'ont appris a respecter la purete de l'eau ramenee vers la ville par un canal vertigineux. D'apres ma truffe experimentee, ils etaient bien contents de cette mise en jambes, mes petits francais, et ils ont meme croise au retour, comme une apparition magique, un cavalier qui rentrait trois chevaux attaches les uns aux autres.

Jour 3. Le lendemain, je les ai laisses un peu tranquilles. Il faut dire que j'ai eu la flemme de monter avec eux des le matin a la colline de la croix, el Cerro de la Cruz, qui grimpe quand meme bien raide dans la caillasse. Mais je commencais a les connaitres, les zozos, et je sais qu'ils se sont regales d'admirer la vue sur la vallee enserree entre les montagnes. Puis, passage oblige nsuite, ils sont alles visiter le site archeologique "Pucara", qui signifie "place forte" en quechua, grand village ou bon nombre de tombes ont ete decouvertes, et pas mal de maisons reconstituees. Les archeologues n'ont pas encore fini de fouiller, et les zones en friches sont un enfer d'epines et de cactus tres mauvais pour mes coussinets sensibles. D'ailleurs, au jardin botanique de la haute montagne, que nos deux baroudeurs ont visite ensuite, Jeremie s'est plante une floppee de petites epines dans les doigts en voulant tater une figue de Barbarie. Rude pays, c'est moi qui vous le dis ! Le soir, j'ai un peu regrette de n'avoir pas veille sur eux, car en rentrant du cyber-cafe, ils ont manque de mourir de peur en reveillant des chiens feroces qui leur ont presque saute dessus.

Jour 4. L'histoire ne dira pas comment moi, le chien de l'Argentine du nord, je les ai rejoints le lendemain a Iruya. En revanche, elle dira qu'eux ont pris un bus qui, pendant les 50 derniers kilometres, les a brinqueballes sur une piste pierreuse et sinueuse grimpant a 4000m d'altitude puis redescendant a 2900. Impression de bout du monde quand on arrive a Iruya. Le village, petit, s'accroche sur une paroi rocheuse et est encercle de toutes parts de montagnes. Mes deux petits francais sont alles planter leur tente dans un camping baptise "los Jardines de Gloria", un paradis de verdure et de calme, ou j'ai puy, dans la peau ridicule du roquet du proprietaire, m'assurer qu'ils etaient bien installes. Plus tard, apres leur petit tour au village, ils ont attaque la vaillante ascension d'un mont rose. Cette fois, je les ai suivi tout du long. De loin certes, et avec l'air soumis du chioen qui obeit, mais quand meme. Grand bien m'en a pris car qui sait ? Magali aurait peut-etre eu besoin d'aide si elle avait eu un coup de fatigue dans la montee. Il aurait peut-etre fallu interceder en leur faveur face aux mules et aux chiens qui descendaient a cette heure ? Et surtout au sommet, qu'aurait fait le condor si je n'avais pas ete la ?.Je me suis meme faufille dans leur camping, ou j'ai surveille leur tente une bonne partie de la nuit.

Jour 5. Le lendemain, je les ai laisse partir seuls a l'assaut d'une autre montagne. L'ascension, longue et raide, est un beau morceau ou la terre, le sable, les pierres changent sans cesse de couleur, passant du rouge feu au bleu gris, et du rose pale au blanc craie. De source sure, je sais qu'au bout de deux heures, ils ont atteint un large plateau jaune vert couvert de buissons et de crottes d'anes. Des ruines, un groupe de maisons en pierrre et au toit en terre et paille, un enclos: sinon, aucune trace de l'homme. Plus loin, sur l'autre montagne, un sentier fin comme une ficelle, des terrasses accrochees au versant, quelques maisons encore. Les chevres qui devalent les pentes ressemblent a des grains de riz roulant sur la lune. Apres une longue pause, mes deux zozos ont decide de redescendre, ne sachant pas si les gros nuages noirs qui s'amoncelaient sur les sommets annoncaient de l'orage. Fausse alerte finalement, mais ils etaient content de rentrer et de prendre une douche froide ravigorante.
Ce qui m'a decide a les quitter, c'est d'abord un agacement croissant a les voir toujours se regaler de repas delicieux sans m'en offrir la moindre miette. Par exemple, ces tamales ce soir-la, sortes de raviolis de viande et de mais dont l'odeur m'a mis au supplice, sur le pas de la porte du restaurant. Et puis une phrase a heurte ma fierte de chien des montagnes: "quand meme, vu tous les chiens errants qu'on croise ici, heureusement qu'on l'a fait, ce vaccin anti-rabbique !"

Jour 6. Ils sont donc repartis seuls a Humahuaca, ou ils tournerent en rond, du cimetiere a la place centrale. Le soir, ils sont partis de la ville jusqu'a La Quiaca. Mes sources ne mentionnent pas ce qu'il leur arriva quand ils franchirent le pont, juste apres avoir fait tamponner leur passeports. Je sais juste qu'ils ont quitte l'Argentine heureux !

5 commentaires:

  1. Je suis Wallace le chien de Terre Happy. Je garde toujours un oeil sur ma maîtresse que j'adore !
    Aujourd'hui, elle a travaillé tout l'après midi dans la forêt, ratissant près de la source, jouant du sécateur tandis que Matthieu élaguait. Moi je lézardais sur la terrasse, profitant de la douceur de l'été de la St Martin. A la tombée de la nuit ils sont allés faire leur karaté et je les ai attendus patiemment. Enfin on allait manger et j'avais plutôt les crocs quand ma maîtresse a allumé son ordinateur. Lorsque j'ai vu ses yeux briller et son sourire j'ai su qu'il y avait du nouveau surle blog! Alors elle m'a tout raconté et même commenté les photos! Même que la glace bleue que tenait Jérémie m'a fait saliver ! Faut dire aussi que quand Jérémie et Magali sont là c'est moi qui leur fait de papouilles et qui veille sur eux ! Alors moi, Wallace, le chien de Terre Happy, je te salue, toi, le chien de l'Argentine du Nord Et te remercie de ta vigilance !

    RépondreSupprimer
  2. Fanette (Milie's cat)21 novembre 2009 à 09:01

    Salut, moi, c'est Fanette, le vieux gros chat de Milie.
    Aujourd'hui, il fait gris et froid, mais on m'a quand même mise dehors. Heureusement, je ne suis pas restée longtemps, juste le temps de refroidir ma fourrure. Là, je suis au chaud sur les genoux de ma maîtresse et j'attends que le temps passe. Je ne sais pas trop ce qu'elle fait, elle lit, elle regarde des photos sur un drôle d'écran et elle a l'air de trouver ça bien, vraiment bien. Il paraît que c'est une histoire de chien, moi, je n'aime pas les chiens, ils me font peur. Mais, là, dans l'histoire, ils ont plutôt l'air d'être des divinités protectrices (enfin, pas tous). Enfin, je sais pas trop. C'est quoi une divinité protectrice ? Je crois que je vais dormir un peu... est-ce que je vais rêver de paysages argentins ? Ma foi, peut-être...
    "Miaou" à vous les petits voyageurs français ! Et continuez de nous faire ronronner de plaisir en lisant vos articles !

    RépondreSupprimer
  3. Eih ! moi, je suis Méthylène... Un chien de rêve... Complètement farfelu... (à vrai dire, j'axiste pas ! ja pense à rin, ja fais rin, je suis juste un fantôme de chien des confins)

    Méthylène, c'est parce que j'ai les yeux bleus ! (rare pour un cador, non ?) BLEUS comme le méthylène dont on colore les glaces au parfum de ciel... C'est un colorant alimentaire vieux comme la Grèce antique...

    Pour le reste, c'est pas le "chien d'Argentine du Nord" qui m'intéresse... Mais toutes ces montagnes en photos ! Des comme on n'en voit pas ici...

    Un pays de rêve.

    à bientôt

    RépondreSupprimer
  4. Salut moi c'est Pik, le moustique. T'en fais pas de loin, je pique pas. La douceur prolongée de ces derniers jours fait que je suis resté à Aix, piquant de ci de là les chiens des vieilles bourgeoises ou les habitants étourdis qui laissent leurs fenêtres ouvertes quand la lumière baisse et me laissent entrer me réconforter à la lueur de leurs abats-jours. Alors je sais pas ce qui m'a piqué, mais je suis tombé chez cette fille qui va et vient, lit, rêve en écrivant ou en regardant des photos de contrées lointaines sur la toile. Elle revient toujours les bras chargés, un sac de cours, un livre qu'elle vient de se procurer à la librairie (parmi les derniers, La Bibliothèque, la Nuit d'Alberto Manguel, paraît qu'il est né en Argentine), un synospis de la pièce de théâtre qu'elle vient d'aller voir. La cohabitation n'est pas toujours facile, elle devient parfois agressive une fois couchée quand je viens la saluer et prendre ma récompense sanguine pour la tirer de sa solitude nocturne.


    A bientôt !
    Bisous

    RépondreSupprimer
  5. Trop génial, MERCIIII ! On adore vos messages, c'est formidable que vous vous soyiez pris au jeu ainsi ! Si d'autres ont des idées, n'hésitez pas à continuer, on vous lit avec délices. Et en général, commentaires sur le blog et news par mail nous font toujours un plaisir immense. On pense très fort à vous, aussi loin que nous puissions être !!

    RépondreSupprimer