mardi 26 janvier 2010

Le volcan Baru d'heure en heurt

Il parait qu'il y a un volcan d'ou l'on peut voir les deux oceans a la fois, ce serait genial d'y aller ! En route ! Et nous voila a Boquete, deja 1200m d'altitude. Il fait frais, et il y a un bon vent qui passe la crete panameene toute proche, en portant un crachin breton (la preuve qu'il est breton, c'est que ca vient du cote Atlantique !) La fille de l'hotel nous a dit de nous enregistrer chez les pompiers;il parait qu'il y a des gens qui se sont perdus, il y a meme eu un reportage au 20h. Depart demain, 5h30 !

Sous ces latitudes ou d'ordinaire le soleil se leve plus tot que nous, ca me fait bizarre de me preparer sans la lumiere du jour. Bon, OK, je l'avoue, l'idee de ce trek ne m'emballe guere. J'aime marcher, mais je ne suis pas une fille de la montagne. Et quand Jeremie me dit que le denivele va etre plus important qu'au Semnoz, j'anticipe ma douleur. En plus de tout, un vilain vent decoiffe les arbres et ne me dit rien qui vaille.

Deja, ce n'est pas une question de latitude, mais de longitude. Ensuite, c'est clair et net, il va faire beau des qu'on sera passe au dessus des nuages. Ca fait deux jours que j'observe le volcan : les nuages s'accumulent sur la face Nord, provenant de la cote caribeene, mais le sommet reste degage. La dame de l'hotel l'a dit : "c'est l'ete, il va faire beau". Et puis la marche d'approche n'a pas l'air bien longue. On devrait bientot arriver au sentier.

A l'instar de l'intuition feminine, la mauvaise foi masculine ne connait pas de bornes. Quoique quand meme, je reconnais que dans le cas de Jeremie il s'agit plutot d'espoir enthousiaste. Enfin, toujours est il qu'au bout de deux heures de marche, nous sommes toujours en impermeables, et toujours pas au debut du sentier. A en croire notre mauvais plan, nous sommes en train de faire un gros detour. Nous croisons un vieil anglais qui cherche a nous dissuader d'aller au volcan : " des randonneurs ont disparu, et puis ca grouille de serpents ! Si vous voulez, j'ai des pilules qui vont vous faire passer votre envie d'aller la-haut". Eh bien nous, on prefere oublier les pilules !

C'est vrai qu'on a mis deux heures et demi pour trouver l'entree du parc, mais on a deja fait 700m de denivelle. C'est super, la pente sera douce. Et puis on a de la chance, il n'y a personne a l'entree du par pour percevoir les 5 $us dus. En plus, grace a cette pluie et au soleil tout proche, on a vu des arc-en-ciel magnifiques !

C'est vrai que l'entree sur le sentier nous redonne de l'allant. Du coup, je commence a aprecier la rando. On trouve des chenilles, on regarde les oiseaux, on s'etonne des plantes... Si je commence a etre bien trempee, j'aprecie quand meme le fait que Jeremie porte le sac. Au moins, ca ne sera pas pire qu'a Takesi !

Ca mouille, mais on grimpe bien. Le seul probleme avec la pluie, c'est que c'est penible de faire des pauses; du coup, on fatigue un peu plus. Enfin, j'ai eu la chiasse la derniere fois au Perou, et la balade suivante a ete annulee a cause de cette fichue morsure d'araignee. Alors aujourd'hui, on va en haut. Je me sens l'ame de Golgoth qui traine sa horde, a pieds au moins, pas comme ces fichus touristes en 4x4 qui nous doublent, ou ces lopettes de quebecois qui rebroussent chemin. La malediction des treks, on va la vaincre !

Pour les non-inities, Jeremie vient la d'ecrire un superbe pastiche de la Horde du Contrevent, de Damasio, ou le personnage de Golgoth est un fieffe gredin, macho et vulgaire. Mais passons. C'est vrai que la fierte et l'envie d'en decoudre avec le sommet nous donnent des ailes. On fait la pause suivante avec deux panameens, qui nous disent qu'il y a encore 6km pour atteindre le cratere. On espere donc arriver pour 14h et s'offrir enfin le pique-nique. Mais pour la vue sur les deux oceans, ca semble un peu compromis...

Il pleut, il pleut, il pleut. Tres dur de redescendre avantun peu, avant de remonter. Fichu chemin pour 4x4. Enfin le sommet est proche. On est a pus de 3000m. On le sent en respirant.

Ca y est, je n'en peux plus. Mes jambes reclament une pause, mon estomac un morceau de pain. Je suis trempee jusqu'aux os, jusqu'au coxis. Grande lassitude. J'essaie de ne plus penser a rien. Ca marche un temps, je ne sens plus le froid. Les flaques prennent de plus en plus de place sur le chemin. Celle-la est trop grande, tant pis, je marche en plein dedans. De toute facon, j'ai deja les pieds mouilles. Mauvaise idee, l'eau est glaciale.

T'inquietes pas Magali, on y est presque. Moins d'un kilometre. A partir des prochains metres, on ne sera plus a l'abri du vent. Nous voila sur la crete presque en haut. Il ne faut pas que tu t'arretes. En haut, il y aura des cabines au sec, et sans vent. Tu vas t'y reposer. Il faut juste tenir pour les atteindre. D'accord, on s'arrete une minute, pour souffler. Mais courage, il faut repartir. On y est presque, on pourra se reposer, peut etre passer la nuit. Ca n'a pas d'importance, il faut aller en haut. Tiens, voila des baraques. Tu m'attends la, a l'abri du vent; je cherche quelqu'un. J'ai trouve. Rentre ici. Il y a le bruit du moteur, mais c'est pas grave : il fait sec, chaud, et il n'y a pas de vent.

Depuis que j'ai vu le sommet, j'ai tout relache et je me suis mise a trembler tellement fort, de peur et de froid. Je ne pense qu'a une chose en arrivant : oter tous mes vetements groges d'eau et me mettre au sec. Jeremie m'aide a defaire fermetures et boutons, j'ai les doigts trop gourds et agites. L'homme qui nous a ouvert la porte ne nous pose aucune question. Il va chercher des couvertures et m'enveloppe dedans. Il fait de la place sur son lit, arrange l'oreiller, et quand je m'assois, il souleve mes jambes pour les allonger. Je n'ai plus aucune force, ni physique, ni morale. Pendant une demi heure, j'essaye de me rechauffer, d'arreter ces convulsions qui m'epuisent. Une camomille bien chaude m'aide a recuperer. Quand j'arrete de trembler, j'ai encore des fourmis dans les jambes a cause du froid. Mais enfin, je m'endors.

Magali est emmitoufflee sur le lit, mais elle ne cesse de grelotter. Je la frotte tant que je peux, alors que la tele diffuse des episodes de Dragon Ball. L'homme qui nous a accueilli, Daniel, et qui garde les installations telephoniques et televisuelles, est un grand gaillard, au chaud dans son anorak. La ligne electrique qui alimente les antennes a ete coupee par les arbres, alors le moteur a essence tourne a la place. Il fait un raffut du diable, mais au moins nos affaires sechent tres vite. Ca tombe bien, je dois remonter pour aller au poste de police, a 100m d'ici, pour appeller les pompiers et l'hotel, afin qu'ils ne s'inquietent pas.

J'ai retrouve le sourire et l'usage de la parole. Pendant que Jeremie est parti, courageux contre le vent qui a encore forci, je bavarde avec Daniel. Il me parle de sa femme, de leur fillette. Il me montre des photos de nuages, de couchers de soleil et d'antennes, prises pendant ses gardes ici, une semaine sur deux. J'ai l'impression d'etre dans un phare, rescapee d'un naufrage. Un sourire dans les yeux, Daniel me dit d'ailleurs : " je t'ai sauvee, pas vrai ?" Oui, la lumiere dans la tempete.

Daniel m'a prete son immense cape impermeable. Je sors au crepuscule. Le vent est incoryablement fort, il me pousse de cote, et je dois baisser mon centre de gravite pour lui resister. Je ne trouve pas la porte que Daniel m'a indiquee. Il fait super froid, et je me demande si ce n'est pas plus loin. Je m'aventure un peu : un sentier assez etroit sur une crete vertigineuse. Le Nord a ma droite : le vent vient de la, le long de la pente douce. Enfin douce par opposition a la falaise de l'autre cote. Incroyable : la pluie tombe de bas en haut. Du coup, le verbe "tomber" ne convient pas, mais le mot adequat n'existe pas. Je repasse par lka case Daniel, puis je trouve enfin. Le policier telephone. Dans sa cabine : quatre autres touristes, transis de froid, dans un etat pire que celui de Magali. Tout est regle, je rentre.

On reste un moment a regarder la tele tous les trois dans la minuscule chambre de Daniel. Aux infos, on voit des gens faire du patin a glace sur les canaux d'Amsterdam, et on apprend qu'on a ete pris par une tempete surprise qui frappe une bonne partie de l'Amerique Centrale. Encore une malediction ma parole ! Finalement, nous grignotons un peu de pain de mie. L'en-cas pris a 16h ne nous a pas suffi, mais les provisions doivent encore tenir demian pour la redescente. Et dire que ca devait etre une belle rando d'une journee !

Magali va dormir sur la couchette superposee, au dessus du lit de Daniel. Moi, j'ai un matelas dans le couloir, car la chambre est trop petite. Le moteur au bruit assourdissant va tourner toute la nuit. Dur pour les oreilles, mais la chaleur est salvatrice. Au matin, nous laissons a Daniel un petit mot avec 20$us et quelques bonbons. Une sacree rencontre !!! Nous le quittons vers 9h, toujours sous la pluie, mais de nouveau fringants !

5 commentaires:

  1. quelle aventure! mais aussi quelle rencontre...
    l'avers et le revers de la médaille?
    nelly

    RépondreSupprimer
  2. les trecks pas trop votre truc!

    RépondreSupprimer
  3. Hihi ! Merci Nelly pour ce petit mot, qui me rappelle bien des souvenirs...
    Quant à toi, Tata Circé, ne t'inquiète pas : on adore les treks, et les suivants ont été et vont être une partie de plaisir. C'est juste que, comme disent les anglophones, "No pain, no gain" (à peu près : pas de douleur, pas de vainqueur). Et puis ton digne neveu veille sur moi comme un ange gardien !

    RépondreSupprimer
  4. Je viens d'y monter il y a deux semaine s(Décembre 2010), pluie tout le long, départ en taxi jusqu'a 500 mètre de la limite du parc (7 dollars à 6h30 du main) car j'avais deja fait cette longue marche d'approche il y a deux ans en courant. Payé les 5 dollars, mis 3h30 pour faire la montée, et en haut, vent énorme aussi, pluie continue, je me suis arrêté une minute et j'ai préféré redescendre de suite. J'ai mis encore 3h30 pour redescendre du sommet jusqu'a Boquete avec un arret boisson et nourriture chez le garde du parc, qui m'a donné de l'eau. Finalement, je n'ai pas trouvé ca intéressant, c'est plutot bestial, et le sommet sans intéret aucun.
    Merci de votre récit, Philippe

    RépondreSupprimer
  5. Merci, Philippe, de nous avoir fait partager votre expérience. Ca nous console un peu, parce qu'on avait eu l'impression d'être maudits ! Mais apparemment, ces conditions météo ne sont pas rares là-haut... On espère que vous avez par ailleurs pu apprécier à sa juste valeur ce pays fascinant qu'est le Panama ! Bonne continuation.

    RépondreSupprimer